Patients de Grand Corps Malade & Mehdi Idir - 2017
Pour son premier film, Grand Corps Malade fait preuve d'une personnalité incontestable. Il a même réfléchi un peu à sa mise en scène, ne sacrifie pas tout aux vannes de ses dialogues, au tout-acteurs, à la dévotion à son scénario. Si les efforts de mise en scène sont un peu vains, si la plupart de ses idées ressemblent plus à des gadgets qu'à de vraies nécessités, on salue donc respectueusement le principe, et on regarde ce tout petit film avec intérêt. Le gars raconte les mois qu'il passa jadis dans un centre de rééducation, suite à un accident qui l'a laissé paralysé. Le quotidien de cet endroit est scruté dans ses moindres détails, jusqu'aux plus triviaux (comment on chie, la longueur du tube qu'on t'enfonce dans le chboub) : l'ennui, la solidarité, la compétition entre "tétras et semi-tétras", les bonnes blagues faites aux infirmiers, la naissance de l'amour malgré tout, les dépressions, les échecs et les petites victoires de la chose. Le gars est très habile pour jouer sur le rien, sur ces minuscules choses qui vous redonnent espoir, et son film n'est jamais misérabiliste ou désespéré. Grâce en soit rendue aux dialogues, fins, drôles, et à la sincérité totale, au vérisme de ce qui est montré : ça sent le vécu, quoi, depuis le vieux paralysé mutique jusqu'à l'infirmier tonitruant qui vous réveille tous les matins en allumant la télé sur les clips pourris et sur le télé-achat, depuis l'aide-soignante maladroite jusqu'au gusse qui refuse d'aller à la piscine. La sincérité du film est totale, et on sent GCM très soucieux de restituer précisément ce qu'il a vécu, le glorieux comme le pathétique. Du coup, le film se suit agréablement, avec ses personnages forts en gueule, avec cette foultitude de petits détails qui font vrai, et on ne s'ennuie qu'un peu sur les 1h50 de métrage : seule l'historiette d'amour sonne faux et soûle très vite, sûrement à cause du jeu de mannequin de Nailia Harzoune, insupportable.
Bon, c'est vrai qu'au niveau de la mise en scène, même si on peut saluer encore une fois les efforts des gusses, c'est plus adolescent. Grand Corps Malade sature son film de bande-son, dans les moments les plus incongrus ; et, pour montrer le temps qui passe, il invente des procédés visuellement clinquants, à base de ralentis pas poss, et d'effets qui tuent sa mère. C'est maladroit, et ça nous rappelle que le gars a écrit quelques-unes des chansons les plus collégiennes du moment. Ceci dit, il est plus malin quand il s'agit d'utiliser toutes les ressources de son décor : il filme les longs couloirs, les salles d'attente, les pièces de repos anonymes, avec un vrai sens de l'espace, allant même jusqu'à dégager la portée symbolique d'une ligne de fuite ou d'un mur froid. Au final : un film pas déplaisant, pas génial, pas mal...