Dog eat Dog de Paul Schrader - 2017
On est loin d'être des fanatiques de Schrader sur ce blog, mais rien ne nous préparait à Dog eat Dog, croyez-moi. On se demande comment un type qui en a vu d'autres, qui a côtoyé quelques grands, a pu fabriquer un machin aussi raté, qui s'engouffre dans le grand n'importe quoi formel et scénaristique avec un enthousiasme qui frôle le masochisme pur et dur, qui laisse ses cabots d'acteurs lui filer entre les doigts, et qui passe systématiquement à côté de chacune des scènes de son film, qu'elles soient d'action ou pas. Le scénario de départ, gentiment académique, aurait pu à l'extrême rigueur donner un petit truc tranquillou à regarder d'un oeil le dimanche soir : un trio de braqueurs unis à la vie à la mort se voient chargés par la mafia mexicaine d'un coup foireux : kidnapper le bébé d'un concurrent gênant. Nos gusses fauchés mais hyper-entraînés vont mettre le doigt dans une spirale de ratages et d'à-peu-près qui les mèneront, on s'en doute, à leur perte.
Dès le départ, on a les yeux qui piquent devant la forme que Schrader décide de donner coûte que coûte et contre toute raison à son polar : rococo et formaliste jusqu'au délire, la première scène, qui montre un Dafoe drogué jusqu'aux cheveux assassiner femme et enfant, met le coeur au bord des lèvres par son abus des filtres roses et des mouvements de caméra hystériques. On sent d'entrée de jeu l'erreur : Schrader veut prouver qu'il est un grand cinéaste de la forme, et opte pour des motifs de mise en scène voyants comme un bouton au milieu du front. Incapable de filmer simplement, y compris les scènes les plus banales, il surexploite tout, transformant son thriller en objet artificiel, hyper "produit" mais sans les moyens de ses ambitions, camouflant mal son manque de fric derrière des fumigènes de pacotille, atteint d'une bougeotte qui confine au Parkinson. Mais par-dessus cette impossible mise en scène kitsch, le gars tente de raconter une histoire sans queue ni tête : les personnages agissent contre toute logique, le montage est illisible, et la scène finale, désolante, renvoie tout ça au néant qu'il n'aurait jamais dû quitter. Ajoutez à ça des acteurs en roue libre (et Nicolas Cage en roue libre, je peux vous dire que ça fait très mal), et vous obtenez le truc le plus inregardable de l'année.