Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
17 juin 2017

Padre padrone (1977) de Paolo & Vittorio Taviani

vlcsnap-error631

Voilà un film âpre récompensé à Cannes dont le thème principal est sans discussion possible les relations père-fils. Dans le rôle du pater à la poigne de fer, on retrouve Omero Antonutti (qui fera une nouvelle apparition en patriarche dix ans plus tard dans Good Morning Babilonia), un barbu sec comme un cep, et dans celui de son fils (à l'âge adulte) Saverio Marconi qui fera tout pour se défaire de la voix de son maître. Toute la première partie du film nous montre "l'éducation" (hors école puisque dès la première scène, le pater vient sortir son fils de la classe) de notre jeune berger : une éducation rêche rythmée par les coups de bâton du père et les enculades de poules pour le côté affectif (grande séquences à la fois lyrique et pathétique nous montrant la vie sexuelle des bergers : on commence avec un âne, puis donc avec une poule, puis avec bobonne qui se doit de subir le rut du mari : tranchant et glaçant). On le comprend, notre petit berger passe des nuits à grelotter et à gérer ces couillons de moutons qui aiment à crotter dans la bassine de lait juste après la traite. Pas vraiment une vie de Cocagne. Il y aurait franchement de quoi devenir dingo dans ce paysage aride mais notre jeune berger parvient encore à se raccrocher à la vie en ayant pour unique compagnon un accordéon... La musique adoucit ses mœurs et lui permet de communiquer avec les gens de la vallée à l’aide de quelques notes (les Taviani décident de sous-titrer ces morceaux musicaux pour montrer sa capacité à accéder à une autre forme de langage (moins limité que son patois) ; une première étape dans sa construction). Quand pourra-t-il enfin s'extraire de ce père dont il est le véritable serf ? L'armée (oui, l'armée…) semble être une bonne opportunité pour qu'il puisse enfin voler de ses propres ailes et se mettre du plomb dans la tête.

vlcsnap-error944

vlcsnap-error165

On suit donc la terrible trajectoire de notre pauvre berger qui se retrouve totalement sous l'emprise d'un père dictatorial. La vie de ce gamin est aussi spartiate que ces paysages de Sardaigne où les arbres sont noueux et sec. Si la première partie du film est avare en paroles (la solitude à flanc de colline avec un père qui grogne plus qu'il ne parle), il n'en sera pas de même lors du passage du berger à l'armée : notre jeune homme, ayant enfin accès au savoir, se fait une joie d'apprendre chaque mot du dictionnaire ; il peut alors enfin se repaître de mots dans une atmosphère pourtant généralement peu propice à la pensée (le militaire est donc finalement un peu supérieur au mouton). On pense que lorsqu'il sera de retour dans sa contrée, il pourra faire montre d’une nouvelle assurance et résister face au père : que nenni, ce dernier continue de vouloir le plier comme un roseau, de le tuer au travail, voire de le tuer tout court (terrible scène du père voulant assommer son fils qui fait écho à un épisode précédent dans le film où un gamin avait été mis à mort par son père... comme un mouton). Bref, on ne fait pas vraiment dans la rigolade dans cette oeuvre des Taviani qui nous plongent dans une atmosphère guère avenante et que vient d’ailleurs renforcer la BO (des chants de bergers gueulards qui feraient aimer la musique corse et des scènes rythmées par des coups de gongs qui fracassent la cervelle). Si le film a pris un coup au niveau de l'esthétisme (les seventies plus la vision d'une version sans aucun doute guère restaurée depuis...), on reste encore fasciné par cette vision pure et dure de nos chères provinces européennes : le Moyen-Age semble encore de mise au XXème siècle et la relation père-fils telle qu'elle est exposée ici est sans doute l'une des plus effroyables et des plus brutales montrée au cinéma. Difficile de se défaire du joug du pater paysan au fin fond de l'Italie... Un hymne au monde du savoir, de l'éducation (parler latin dans un tank demeure qui plus est relativement oxymorique comme situation...) dans un film qui a pris d'évidents coups de burins dans la tronche au niveau esthétique mais aucune ride dans la vision féroce et destructrice des relations familiales.   

vlcsnap-error064

Quand Cannes

Commentaires
F
C'est beau oui. Et le livre aussi, magnifique à pleurer.
Répondre
B
Hou-làlà... \°°/
Répondre
Derniers commentaires
Cycles
Ecrivains