Green Room de Jeremy Saulnier - 2015
Après l'agréable Blue Ruin, on voulait bien laisser une deuxième chance à Saulnier de confirmer les quelques promesses entrevues. Mais Green Room ne fait que confirmer les craintes : Saulnier est un réalisateur efficace adepte d'un cinéma violent et nihiliste, mais ça ne va pas plus loin, et le gars est aussi un crâneur franchement vain et pas finaud. Le film reste suffisamment tendu et spectaculaire pour valoir le coup, certes. Mais on se retrouve finalement avec une chose très mal mise en scène, creuse comme un puits sans fond, et peu emballant à la fin. En fait, je n'ai rien compris au scénario : un groupe de rock hardcore, dont on ne prend même pas la peine de nous présenter les membres pourtant acteurs principaux, est engagé pour un concert dans un minable lieu dirigé par des skinheads bien entendu néo-nazis. D'après ce que j'ai compris, ils assistent à un meurtre, et le directeur de la salle décide d'éliminer ces témoins gênants, je ne sais pas trop pourquoi. Les gusses, enfermés dans leur loge, arriveront-ils à atteindre la sortie sans subir les crocs des pitt-bulls, les décharges de chevrotine ou les vigoureux coups de batte des méchants rasés ? Rien n'est moins sûr, et la distribution va peu à peu s'amoindrir dans des scènes gore plutôt marrantes.
Comme Saulnier ne s'intéresse pas du tout à ses personnages, comme seules le passionnent les scènes d'action, il nous perd complètement dans les moments plus calmes. Pas compris les motivations des tueurs, pas compris qui trahit qui, pas compris la fin... Le film part complètement en sucette à ce niveau-là,alors qu'il y avait peut-être de la place pour faire un puissant récit d'initiation ou un film politique sur la punk-attitude. Là, on a droit à un honnête survival qu'on suit mollement, il est vrai pas mal rempli de rebondissements surprenants. Ici, on peut ramasser une balle dans la tête au moindre tournant, y compris quand la tête en question est celle d'un des acteurs principaux. Les scènes spectaculaires le sont vraiment, d'autant que Saulnier prend son temps, dans le montage, pour nous faire éprouver la sauvagerie de ce qu'il filme (avec un brin de complaisance, le truc étant totalement privé d'humour ou de distance). Mais le gars est metteur en scène comme je suis macroniste : son sens de l'espace est inexistant et on ne saisit strictement jamais où sont les personnages les uns par rapport aux autres. Pas attaché aux personnages, qui ne sont que des ombres caricaturales, on ne se passionne guère pour la résolution du bazar, et on se contente de compter les points en ricanant devant les geysers de sang. Pas très fier de sa mentalité de collégien fan de sang, Saulnier, sur la fin, prend un air concerné qui semble un peu juger la violence qu'il vient de nous mettre sous le nez. A tout prendre, je préfère un Tarantino qui, lui, assume son immaturité et ne se cache pas sous une pudeur fausse. Saulnier est tout aussi creux, mais bien moins fun.


