Le Gang des Tueurs (Brighton Rock) (1947) de John Boulting
Excellent conseil de l'un de nos commentateurs que ce film noir... anglais (oui, c'était la journée english après le Baker). Sur un scènar de Graham Greene et des images (lumineuses au besoin, joliment noires sur la fin) de Harry Waxman, Boulting réalise un film noir qui fait date : porté par le visage angélique et le regard ultra-mauvais de Richard Attenborough as Pinkie Brown - tout l'art de l'onomastique (notre jeune homme n'est d'ailleurs pas sans faire penser à un certain Orson Welles à ses débuts), le film n'est pas avare en personnages marquants et en rebondissements. Soit donc un certain Fred que cherche à descendre le gars Pinkie avec sa petite bande. Une fois la chose faite (le meurtre étant audacieusement maquillé en suicide), Pinkie tente d'effacer toutes les preuves qui pourraient permettre à la police de remonter jusqu'à lui : le gars se "sacrifie" pour draguer une petite serveuse qui fut un témoin crucial de l’histoire - s'il se marie avec, elle sera bien forcée de la fermer (en plus ce jeune agneau est tout transi d'amour...)... Un deux trois je t'embrouille... Seulement voilà une certaine Ida Arnold (la ventripotente Hermione Baddeley et son rire de gorge peu discret) est persuadée qu'il y a anguille et commence dans son coin à mener sa petite enquête pour confondre ce Pinkie qui n'a pas l'air tout blanc...
Dès le début, on est happé par cette course poursuite dans les rues ensoleillées de Brighton : le gars Fred, qui sait pertinemment qu'un gang est à ses trousses tente par tous les moyens d'échapper aux tueurs ; son air paniqué et sa fuite forcée dans les rues de la ville nous mettent directement dans l'ambiance de cette œuvre tendue comme un slip en téflon. Sitôt qu'on a croisé la gueule antipathique de Pinkie, on sait que le gars n'est pas du genre à faire dans le détail ; il poussera le vice jusqu'à assassiner sa proie en la poussant d'un train fantôme. Pinkie ne va pas en rester là dans les coups fourrés puisqu'il va donc décider de séduire une petite témouine toute innocente. La pauvre fille, on se demande franchement ce qu'elle trouve à ce type aussi souriant qu'un poêle à charbon… Elle se laisse tout du long gentiment mener par le bout du nez par le jeune garçon et ses promesses de Gascon... Notre gars possède une certaine tendance à jouer avec le feu (l'embrouille avec un ponte du milieu, son manque de discrétion sous le regard affuté d'Ida, des hommes de main un peu bavards...) et l'étau se resserre progressivement sur lui. Pour tenter de sauver sa peau, le type est prêt à jouer la carte du double-suicide avec sa prétendue amante, sacrifiant cette dernière (bêtement croyante et en totale adoration devant ce petit voyou qui sait manipuler le chapelet à l'occasion) pour en sortir blanchie : un véritable homme fatal aussi finaud que la petite estafilade qu'il porte désormais sur la joue suite à une rixe. Mais dans tout bon film noir, quand on se la joue trop fatal, on risque d'être soi-même victime de la fatalité. Boulting sait gérer ses ambiances et nous livre entre autres un final nocturne avec trottoirs mouillés de toute beauté (les gros plans de Waxman sur nos deux tourtereaux (Pinkie et sa douce), flirtent avec les studios Harcourt : ils sont d'une beauté à couper le souffle et mettent d'autant plus en relief l'horreur de la situation - la chtite serveuse, par amour, est prête à donner sa vie pour cette grosse enflure manipulatrice de Pinkie qui ne pense, lui, qu'à sauver sa peau ; la chute est également joliment troussée, préférant laisser la belle à ses tendres illusions plutôt que de la meurtrir à jamais en lui montrant Pinkie sous son vrai jour ... Une petite pointe de douceur et de tendresse dans un monde de sales brutes sans foi ni loi. Parfaitement écrits, intelligemment mis en scène, impeccablement interprété (et superbement restauré), tout fan du genre y trouvera son dû - définitivement digne d'un film ricain du cru.