Passengers de Morten Tyldum - 2016
Cerveau apaisé à cause du printemps qui approche, influences néfastes de quelques soirées rhum ou simple adhésion, vous me voyez en tout cas plus ou moins satisfait de ce film de SF sentimental, réalisé pourtant par un cinéaste dont on a dit souvent le plus grand mal. Attention : on est très loin du grand film, et même celui-ci ne convainc que dans sa première demi-heure. Mais il y a là-dedans une simplicité et une modestie qui peuvent toucher, et ma foi je me suis laissé porter par cette jolie trame et par le ton gentiment comique de Tyldum. Ça commence comme dans Alien : 5000 personnes sont envoyées pour coloniser une planète située à 120 ans de la Terre, elles sont donc endormies pendant ces 120 ans. Mais, bug, et un des passagers se réveille bêtement trop tôt, à 30 ans de son point de départ, et 90 ans de son point d'arrivée. Autrement dit : condamné à vivre dans un immense vaisseau grand luxe, seul, sans aucune possibilité de revenir sur Terre. Postulat assez effrayant, et en même temps très excitant : le gars a tout un monde pour lui seul, et cela inclut le robot-barman tout à fait sociable. Le film commence presque comme une comédie, notamment parce que le gars voyageant en 3ème classe n'a pas accès aux produits de 1ère. On se rend vite compte que, privé de compagnie, le gars perd rapidement toute dignité, se vautre dans les chips et le Bourbon, ne se rase plus. Mais peu à peu, une idée va naître : réveiller une autre passagère, forcément la plus jolie, quitte à la condamner aussi. La suite : une succession de scènes romantiques et de disputes noires, dans un film prônant haut et fort la nécessaire solitude du couple et l'amour éternel.
Quand le film devient de la pure Sf à la con, on s'ennuie ferme. L'arrivée de Laurence Fishburne dans l'histoire est gavante et inutile, les scènes d'action de la fin minables et fatigantes. Tyldum n'arrive pas à se contenter de son intrigue sentimentale retorse, et se sent obligé d'envoyer les explosions et les feux d'artifice. Trop riche, le film aurait pu être réalisé en huis-clos, avec deux acteurs et point : il aurait été bien meilleur. Quand il envoie les watts, il ressemble à tous les autres merdes du genre. Mais quand il s'arrête un peu, quand il filme simplement les deux acteurs (vraiment pas mal, Jennifer Lawrence et Chris Pratt) dans l'espace vide, quand il leur invente des situations romantiques sur fond de technologie, quand il imagine des minuscules petits gags, et même quand il se fait presque inquiétant (grâce au personnage kubrickien du barman opaque et forcément incontrôlable, Michael Sheen est impeccable), il réussit son coup : faire un petit film de remariage, réinventer le mythe d'Adam et Eve à l'heure des machines qui font bip, revoir le mythe de Sisyphe en utilisant à fond la solitude glacée de son décor. Un concept ample déguisé sous la modestie (sauf pour la fin), et pas mal fait au final. Voilà qui change des grosses machineries ambitieuses et solennelles. A voir, moi je dis.