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Shangols
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17 mai 2017

Après la Tempête (Umi yori mo mada fukaku) (2017) de Hirokazu Kore-eda

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Petit drame intime d'une famille éclatée, Après la Tempête se veut au plus proche de ses personnages et de leurs petits problèmes existentiels : ce drame, forcément confiné dans sa seconde partie, fait la part belle aux anciens rêves et aux petits constats mesquins du quotidien, un projet à l’ambition humble et plein d'empathie ; dommage qu'au-delà du portrait attachant de ce grand loser de héros (Hiroshi Abe), on ne vibre guère devant ce film qui ne renouvelle pas vraiment le genre... On avait eu connu Kore-eda beaucoup plus tranchant et punchy.

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Hiroshi Abe traîne donc sa grande dégaine chez sa mère... à la recherche de thune. Ancien romancier, il semble avoir perdu sa plume et, terrible loi des séries, également sa femme, la garde du gosse et son pognon. Chaque mois, il doit retrouver une petite somme pour payer la pension du gamin et garder son droit de visite... Il tente de joindre les deux bouts en se vautrant dans le métier de détective privé (au départ, c'était dans l'idée de préparer un livre mais l'idée semble s'être dissipée en route) faisant des petits chantages à deux balles auprès de femmes trompées ou de jeunes garçons sortant avec leur tuteur... Rien de bien glorieux... Il va même, à ses heures perdues, jusqu'à suivre sa propre femme pour découvrir son nouvel amant - ça sent le type qui aime se faire du mal et ne fait pas grand-chose pour rebondir... Il est indéniablement attaché à son gamin mais ne cesse de se faire tancer par sa propre mère, sa soeur et son ex qui voient en lui quelqu'un de guère responsable, un petit joueur fauché à l'image de son père auquel il ne voulait pourtant pas ressembler... Au cours d'une nuit - la fameuse tempête -, il se retrouve avec son bambin et son ex chez sa mère. Le moment de faire le bilan.

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On voit bien l'intérêt que porte Kore-eda à ce personnage par trop banal qui eut des rêves (une des thématiques principales du cinéaste nippon) et qui les a perdus en route... Même si Hiroshi Abe s'est fait une raison et cherche, avant de devenir quelqu'un à devenir lui-même (subtile nuance), on sent bien que notre gars est un peu à la dérive et ne cesse de flirter avec le pathétique : difficile dans sa position d'espérer reconquérir sa douce qui le relance constamment pour qu'il assume la pension... On passe une première heure un peu molle en espérant que cette tempête apporte un nouveau souffle. On aura droit à des discussions « profondes et philosophiques » (toute proportion gardée) entre Hiroshi et son ex (pas forcément une bonne idée le coup de la main sur son genou), entre Hiroshi et sa mère (ah quel est le sens de la vie ?... Il est bon de vivre au jour le jour, fils, vois-tu) et Hiroshi et son gamin qui font une petite excursion dans une attraction du parc voisin après avoir bravé la pluie (complicité, complicité) – et ce juste avant que la mère les rejoigne (ah retrouver la folie des good old days... ou pas…). Sur la toute fin (after the storm), on peut espérer qu'Hiroshi est décidé à se reprendre en main (spoiler : s'il ne donne pas la thune à sa femme, c'est qu'il n'a pas dû vendre la "pierre à encre" de son père et l'on peut espérer que cela soit le signe qu'il s'est remis à écrire... on peut le voir comme ça, en étant optimiste). Que cette nuit lui ait été bénéfique, c'est tout ce qu'on lui souhaite - mais l'on avoue que l'on quitte ce drame sur la pointe des pieds sans avoir eu l'impression d'avoir été vraiment bousculé pour ne pas dire simplement touché... Tout petit drame intime traité de façon un peu tendre.   (Shang - 02/02/17)


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Ah moi j'ai été très touché par cette minuscule histoire que n'aurait pas refusée un Ozu tardif, et trouve mon camarade un peu injuste avec ce film qui travaille gentiment vos sentiments. Certes, ce n'est pas d'une profondeur inouïe, mais le film ne demande pas ça : il enregistre juste le temps qui passe, doucement, sans esbroufe, et le résultat est bouleversant. Le personnage principal est un petit loser ordinaire, encore amoureux de sa femme, voulant être un bon père, encore un peu dans les jupes de sa môman, carrément inadapté, et qui dépense l'argent de la pension alimentaire dans les courses de vélo et les billets de loterie. Pendant toute la durée du film, il va apprendre à grandir, à faire le deuil de son enfance et à s'adapter à la vie : laisser enfin partir la femme qu'il aime ("on devient adulte quand on accepte de faire partie du passé de quelqu'un", c'est pas profond, ça ?), assumer son enfant, et devenir l'écrivain qu'il rêvait d'être. Il aura fallu une tempête, et l'enfermement des personnages-clé de son existence dans l'espace confiné d'un appartement, pour que la métamorphose opère. En attendant cette révélation, le film s'intéresse aux minuscules choses de la vie, et aime chacun de ses personnages : tous ont une épaisseur et une crédibilité qui réconfortent. ces saynètes n'ont l'air de rien, mais dessinent parfaitement les personnages, souvent dans un ton drolatique très réussi, avec toujours cette minuscule mélancolie discrète (très jolie musique, lumière changeante magnifique, acteurs parfaits).

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Entre l'enfant, le père et la grand-mère, c'est autant de façons de grandir qui sont déclinées, entre acceptation de ce qu'on est et renoncement à ses ambitions, entre sagesse et inconscience. Le personnage de la grand-mère, notamment, est magnifique, elle qui détruit toute trace de son passé marital pour reprendre à zéro, recommencer à vivre, en écoutant Beethoven ou courant après des papillons. Un modèle pour son fils, encore complètement dans l'adolescence, lui aussi superbement construit : ses pics d'enfance et son incapacité à s'adapter au monde le rendent touchant à mort. La mise en scène de Kore-Eda est tout en retrait, mais pourtant diablement sensible. Il tresse une suite en mineur de scènes "ordinaires", impeccables techniquement, a priori innocentes en surface, mais qui déploient une ambiance nostalgique du meilleur effet. Que du bien à dire de ce film plus profond que ce que mon compère a vu, et j'avoue même avoir versé ma larme face au dialogue final entre ces deux êtres qui se sont aimés et qui acceptent l'échec. Touché.   (Gols - 17/05/17)

Commentaires
A
Touchée aussi. Et ce personnage incroyable de la grand-mère !
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M
Je viens de le voir (le film) et de l'écouter (le réal). Et je comprends pourquoi ce film vous plaît moyen... Vous aviez deviné qu'il avait beaucoup pensé à Ken Loach en faisant ce film, hein ? <br /> <br /> Petits malin.
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