La Tarentule au ventre noir (La Tarentola dal ventre nero) de Paolo Cavara - 1971
Un bon vieux giallo de derrière les fagots, ça faisait longtemps. On est là dans la plus pure tradition du genre, ni plus ni moins, et on passe un moment agréable à regarder ces zooms improbables, ces focales courtes utilisées à la va-comme-je-te-pousse, ces travellings aventureux, et ce scénario cousu dans le fil dont on fait les bobines. Cavara, inspiré de toute évidence par le bien supérieur Oiseau au plumage de cristal, tire à la ligne, et ne se force pas trop pour copier plus ou moins son modèle : c'est la même bonne vieille histoire de serial-killer froid et brutal, cette fois un gusse qui s'amuse à paralyser ses victimes avec une aiguille d'acupuncture avant de les éventrer dans des lumières rouges. Mais qui est-il donc ? Le mari trompé de la première victime ? la tenancière d'un cabinet d'acupuncture ? une femme trompée ? Le flic moustachu de service, le commissaire Tellini, enquête sévère, quitte à délaisser son épouse pourtant gironde, quitte à laisser celle-ci à la merci du dangereux tueur à l'aiguille. Comme d'habitude, on se fout un peu du coupable. Ce qui importe, c'est la mise en scène baroque des meurtres, avec leur lot d'hémoglobine et d'yeux révulsés. Et Cavara nous en donne pour notre argent, ces moments-là sont parfaitement plaisants, avec ces cadres tordus et cette sorte de mythification fétichiste de chaque geste. Il est fasciné par la somme de petits cadres sur le meurtrier, ganté, qui prépare patiemment ses exactions, aiguille chauffées à blanc, couteau aiguisé, etc. L'angoisse monte pas mal dans ces plans où la maison de la victime est filmée comme un piège, et les morts spectaculaires de ces jeunes femmes sont bien mises en scène. Notamment celle dans un magasin de mode, où les mannequins tombent sur cette pauvre fille, et où sa mort la prend à genoux, dans une pose christique. C'est vrai que Cavara ne s'épargne pas, et du coup laisse tomber toutes les scènes "entre". Le type qui fait le commissaire serre les dents et montre toute sa perplexité, il y a une vague histoire de maître-chanteur et de détective privé, bon, ça passe le temps, mais on attend les meurtres.
Pour meubler également, le gars filme les fesses de ces dames, la part d'érotisme est comme d'hab assez forte. Les ébats du flic avec sa femme sont étonnamment pudiques, mais les victimes, surprises la plupart du temps, ô hasard, dans leur plus simple appareil, apportent leur lot de chair fraîche. Ce mélange entre Eros et Thanatos fonctionne bien, il y a un côté très trouble dans ce rapport aux corps que les cinéastes italiens de l'époque entretiennent torvement. La musique de Morricone, presque bruitiste la plupart du temps, très contemporaine, ajoute au charme. Malgré le jeu affreux des comédiens, malgré le lourd ennui des dialogues (ah la scène de la tarentule, complètement idiote !), malgré le fait qu'on a déjà vu ça 18000 fois, on passe un moment agréable devant ce film de série.