The Beatles : Eight Days a Week de Ron Howard - 2016
Si vous voulez apprendre des trucs sur les Beatles, aller fouiner dans des archives inconnues ou trouver la petite faille qui attaquait ce groupe si lisse en surface, on vous conseillera de passer votre chemin. Ron Howard réalise une hagiographie béate du groupe, recyclant éternellement les mêmes images, la même imagerie même, de filles hurlantes, de galopins rigolards en interviews, de concerts inécoutables sous les cris des fans, et de tournées épuisantes. On n'apprendra donc rien du tout, sauf que les Beates était le groupe le plus puissant de la planète, et l'est encore aujourd'hui. Interviews sagement classiques de Paul McCartney et Ringo Starr, ainsi que de Whoopy Goldberg (??) ou de Elvis Costello (???), images d'archives marrantes mais déjà vues de John Lennon et George Harrison faisant les malins à la télé, et surtout track-list impressionnante des tubes des p'tits gars, le film est monté super rapidement, laissant une large place à quelques jolies photos à la gloire éternelle du groupe ou à des concerts peut-être inédits, mais toujours les mêmes, qu'ils soient filmés à Liverpool, à Sidney ou à Tokyo.
Howard s'intéresse aux deux ou trois ans qui ont vu la naissance puis la gloire internationale des Beatles. Qu'est-ce que c'était que cette folie qui s'emparait des adolescents de l'époque, d'où vient cette capacité à produire 20 tubes par an, comment tient-on le rythme de 25 concerts par mois pendant trois ans ? Cet aspect-là est intéressant, et on apprécie même les analyses qui comparent les Beatles à Mozart dans leur aptitude à produire du hit. On scrute sur les photos le trait de fatigue qui fera que George Harrison renonce, ou la petite grimace qui montre que McCartney n'est pas dupe de son succès, et c'est vrai que le film est agréable pour ça. En s'intéresant plus particulièrement à ces années de jeunesse du groupe, pas les plus passionnantes, très lisses, très gamines, pleines de tubes interchangeables ("I love you, oh yeah she loves me, wooouh, all you need is love") Howard pointe la superficialité du groupe et son côté adolescent, tout en n'oubliant pas de resituer les gars dans leur époque, apartheid, mort de Kennedy, Viet-Nâm, etc. Mieux, il fait de cette futilité un étendard contre le sérieux de l'époque, et les chansons presque débiles du groupe deviennent des pamphlets politiques pour le droit à l'amusement dans une époque troublée. Les Beatles sont déjà plus ou moins engagés, contre le racisme par exemple, mais ils traversent cette période comme des enfants.
Quand l'âge adulte pointe son nez, Howard abandonne, se désintéressant de la période de génie des gars. La dernière demi-heure du film aborde bien les tourments qui s'emparent des Beatles, leurs doutes, leur ras-le bol des concerts bâclés. Il fait bien entendre une ou deux innovations dans leur musique, évoque la lassitude qui s'empare d'eux, mais là encore, ces images sont trop vues, déjà abordées dans les 10000 documentaires précédents. Les passages obligés de cette époque (Yoko Ono, les adieux, la drogue) sont occultés avec soin, comme si Howard voulait éviter de montrer que les Beatles, après tout, sont un groupe comme les autres. C'est ce souci de tout glorifier, le moindre geste, la moindre bêtise, le moindre accord, qui fatigue dans ce film trop rapide et trop superficiel. Il donne quand même l'occasion de réécouter quelques grandes chansons, et de communier avec d'autres spectateurs dans l'amour exclusif des Beatles. Ce qui est toujours ça de pris.