La Tour de Babel (2014) de Julie Bertuccelli
Voilà un ptit doc qui m'avait échappé il y a de cela deux ans et qui pourtant est en lien plus qu'étroit avec mon domaine professionnel (parfois je travaille, il le faut). Julie Bertuccelli suit donc sur une année une classe d'élèves allophones nouvellement arrivés en France, des élèves qui viennent de pays aussi divers que la Biélorussie, la Chine, le Vénézuela, l'Irlande, l'Ukraine, la Lybie et j'en passe... Bertuccelli se focalise sur la parole de ces futurs collégiens qui se libère en classe, sur leur interrogation sur ce passage avant l'inclusion en classe "normale", sur leur arrivée en France (plus ou moins douloureuse), sur leurs envies, leurs doutes, leurs questionnement quant aux diverses religions etc... Des élèves comme les autres qui se doivent juste de combler quelques lacunes en langue française. Bertuccelli fait le choix de ne point montrer de techniques de classe (on sent l'œil du spécialiste aux aguets chez votre chroniqueur...) mais de simplement suivre une poignée de débats (animés) au sein de la classe ainsi que des remises de bulletin en présence des parents. La cinéaste parvient à capter quelques très beaux moments (la fierté et le sourire d'une élève quand on annonce au père d'icelle les efforts et les progrès qu'elle a effectués - l'instant nirvanesque du boulot de prof qui ne dure que quelques secondes mais qui réchauffe...), le chant improvisé d'une élève devant ses camarades soufflés ou encore une partition joué au violoncelle par un des leurs comme si soudainement, par la musique, sa parole (et ses douleurs cachés) se faisait plus fluide. On ne peut reprocher à ces classes leur manque de dynamisme (les élèves, lorsqu’ils discutent notamment à bâtons rompus de la religion, cherchent à combler leur manque de vocabulaire par leur conviction, leur "foi" usant d'un flux de mots répétés, assénés) et on aimerait voir plus souvent des élèves aussi investis dans ce besoin d'apprendre (même si certains ont des difficultés réelles et possèdent un petit caractère pas toujours ultra malléables... de la patience, ah bordel, il en faut...).
Là, forcément, où la Tour de Babel nous cueille comme des mouches sur un pot de confiture, c'est bien sûr lors des moments de séparation. Qu'un élève quitte subitement la classe pour diverses raisons et ce sont des larmes et des larmes et des promesses qui s'échappent... La fin quant à elle ferait pleurer un candidat à la primaire de droite lorsque le temps est venu pour tous de se quitter et que la prof annonce qu'il s'agissait de sa dernière classe avec un terrible trémolo dans la voix... La sanction est immédiate pour les spectateurs dont les larmes tombent aussi lourdement qu'un fruit à pain de son arbre quand il est mûr (j'en ai un dans mon jardin, on se croirait certains soir sous les bombes... faut tempérer, hein). Alors, oui, ce petit doc en immersion est toute à la gloire de la France terre d'accueil (n'en déplaise à Jean-Piere Pernaut) mais, reconnaissons-le, survole aussi un peu la question (qu'en sera-t-il justement de l'inclusion en classe, dit-il en experte de la chose depuis trois jours ?...). On ne serait donc pas contre le principe une suite, une suite qui évoquerait également les moyens mis en place dans ce domaine sur TOUT (je me comprends) le territoire français. A voir pour, en particulier, les non-initiés. Et vivement le tome 2.