Le Saphir de Saint-Louis (2015) de José Luis Guerin
A partir d'un simple tableau, José Luis Guerin nous fait voyager à la sombre époque du commerce triangulaire : on part de La Rochelle avec du sel, on l'échange sur les côtes africaines contre des esclaves, esclaves que l'on revend à Saint Domingue contre du sucre - comment transformer du sel en sucre en effectuant quelques kilomètres et en se servant d'une monnaie d'échange... inhumaine. Guerin replace en quelques images le contexte géographique (La Rochelle, son clocher, sa cathédrale...) et historique (La Rochelle assiégée, décimée et les départs de nos amis Huguenots vers d'autres contrées...) avant de s'intéresser à ce curieux tableau un brin « figuratif ». Il s'agit d'une commande d’un capitaine à un peintre faisant suite à l'immobilisation du navire à l'approche des côtes antillaises : pas un pet de zef pendant plus de quatre mois, ça crée forcément quelques tensions en mer... Deux-cent-soixante-dix esclaves se trouvaient sur le bateau face à trente membres d'équipage et rébellion il y eut...
En examinant les divers détails du tableau, Guerin parvient à retracer une trame relativement précise de ce qu'il dut se passer... Des prières envoyés au ciel, des membres d'équipage victime de l'ire des esclaves et malgré cette incroyable mésaventure "d'un autre siècle", le bateau parvint finalement à bon port et réussit à faire son petit commerce guère équitable... Partir d'une petite croute perdue quelque part dans un coin pour remonter tout le fil du temps, de l'Histoire avec un grand H, c'est la gageure de ce court-métrage qui, porté par la voix grave de André Wilms nous emmène tranquillement vers un épisode tragique qui se déroula aux antipodes de cette bien bonne ville de La Rochelle. Tragiquement exotique et joliment conté.