Les Incorruptibles (The Untouchables) de Brian de Palma - 1987
Une des rares incursions de De Palma dans le cinéma mainstream et commercial, et j'avoue que le résultat est assez décevant. Ecrasé sous le poids de la commande, et sous l'obligation de montrer le bon profil de sa poignée de stars, le maître assagit franchement son style et livre un objet pas vraiment honteux, mais simplement efficace et correct. On le sent bien se débattre pour imposer ses plans tordus, et on constate avec peine que, derrière le cahier des charges, il essaye encore et toujours de multiplier screen-shots, montage vituose et cadrages décalés ; mais on reste sagement enchaîné à l'intrigue, et malgré quelques morceaux de bravoure, on constate que le film aurait tout aussi bien pu être réalisé par Oliver Stone ou Alan Parker.
Il faut dire qu'au générique, il a de l'ego à diriger, de De Niro à Connery, de Costner à Garcia. Ils sont tous bons, ils en font tous des tonnes, et on suit cette histoire classique de mafia et de règlements de compte assez tranquillement. Le film commence sur la scène dont le modèle Hitchcock disait qu'elle ne pouvait pas être possible, la mort d'un enfant, et ensuite on a droit à un combat Eliott Ness / Al Capone dans les règles de l'art. Points gagnés d'un côté et de l'autre, désespoir et renaissance, meurtres à gogo, pour finir par un procès tonitruant. Rien de nouveau sous le soleil de Palerme, c'est du classique, et même si on considère que ce film était l'un des premiers à raconter ce genre d'histoire aussi frontalement, on compte les clichés, les passages attendus et les figures de style usées jusqu'à la corde. Du coup, comme il n'a pas grand-chose à raconter, de Palma concentre tout sur la technique, et là, c'est un festival : aucun plan, même le plus anodin, n'est sobre, tout est tordu et stylisé. Depuis l'écran vert de la rencontre avec Sean Connery jusqu'au montage au taquet de la poursuite sur les toits, de Palma dope tout formellement, et on en prend plein les mirettes, pour le pire ou pour le meilleur. De nombreuses scènes de genre au milieu de la chose font écarquiller les yeux : la longue séquence sur le pont, à la frontière canadienne, où le gars convoque chevaux, vieux colts et cavalerie pour un hommage au western ; celle de la mort de Jim Malone, où il ressort la caméra subjective de Carrie ; la fameuse scène de l'escalier de la gare, où Le Cuirassé Potemkine est cité sans aucun scrupule... Grâce à cette démesure formelle, on garde une tendresse pour ce film, maladroit et sans idée dans le scénario, trop "produit" et raconté au plus court.