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1 septembre 2016

LIVRE : Continuer de Laurent Mauvignier - 2016

9782707329837,0-3392317Après une baisse de régime l'an passé, Mauvignier revient au long récit narré en un souffle qui a fait sa gloire, et ça lui va mieux au teint. On retrouve avec plaisir ce style ample et tenu qu'on aimait chez lui et qui s'était perdu dans les courtes histoires un peu insignifiantes de Autour du Monde. Il y a pourtant des rapports entre ce dernier et Continuer, ne serait-ce que par cette nouvelle inspiration mauvigniesque qui passe par le dépaysement : il importe à présent d'aller chercher son identité, ses racines, son intimité, à l'autre bout du monde, dans un mouvement presque inverse aux romans du début, qui cherchait l'enfermement, l'isolement. Bref : c'est au Kirghizistan que se déroule l'action cette fois. Une mère de famille décide d'écarter son adolescent des dangereux chemins de la délinquance en l'entraînant dans un treck à cheval dans ce pays mystérieux, espérant que les liens familiaux vont se reconstruire entre elle et lui, que le dialogue pourra reprendre après un divorce douloureux et une période d'incompréhension réciproque, voire qu'elle pourra renouer avec des ambitions d'écrivain étouffées dans l'oeuf. Le roman décrit avec une grande justesse les fluctuations mentales de cette femme qui a du mal à être à la fois mère, femme et amie, et celles de ce gosse plein de colère contre le monde et lui-même. L'écueil psychologisant est pourtant complètement évité grâce à ce choix d'évasion dans un pays dont on sait peu de choses : Mauvignier décrit avec précision les paysages, les dangers, les joies, les bonheurs de croiser la population, et ancre profondément son récit dans un territoire, ce qui lui donne un aspect parfois westernien, ou en tout cas plonge parfois le livre dans le récit d'aventures. Très belles pages, notamment, sur cet épisode tendu où notre duo est à deux doigts de se noyer dans les sables mouvants, où on sent la grande force d'évocation de l'auteur. Mais il réserve aussi de très grands moments d'écriture à simplement décrire l'espèce d'effroi mélé d'admiration de la mère pour son fils, ces deux univers liés et en même temps opaques qui s'observent.

C'est d'ailleurs quand le jeune homme fera l'expérience de l'altérité de sa mère que la tragédie va se dérouler, puisque tragédie il y aura, hein, on est quand même chez Mauvignier. Le livre repousse sans cesse le noeud du drame, commençant d'ailleurs sur la fausse piste d'un vol de chevaux pour mieux nous balader jusqu'à ce dernier tiers, où l'inattendu se produit, et où Mauvignier parvient avec puissance à une sorte de tragédie antique sous le soleil : les chevaux deviennent les symboles sacrificiels de la violence des rapports humains, le groupe familial explose sous la force dévastatrice de la nature, et Mauvignier sort les amplis pour nous balancer des pages lyriques, bigger than life, parfaitement tenues. Si on peut préférer les romans intimistes du gars, on ne peut que s'incliner devant cette nouvelle veine "voyageuse", qui ne lui fait rien perdre de la justesse de ses descriptions psychologiques et ajoutent un côté épique à ses tourments intérieurs.

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