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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
26 mai 2016

Route One / USA (1989) de Robert Kramer

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Parfaite synchronisation entre le gars Gols et Shang à quelques milliers de kilomètres l'un de l'autre : pendant que mon comparse sillonnait les routes de France en 2015 avec Depardon, j'étais sur la Route One (mythique road allant du nord au sud des States sur la côte est) en 1989 (j'ai toujours un temps de retard) avec Kramer - film dans lequel je m'étais lancé sur un conseil toujours super avisé de l'un de nos éminent commentateurs. Le parallèle ne s'arrête pas seulement sur le principe du road-movie et des interviews de "passants" : on sent parfaitement que les deux hommes en s'intéressant aux "petites gens" (nous, quoi) ont la volonté de donner la parole à ceux qui ne l'ont jamais. Là où je pense tout de même que l'oeuvre de Kramer est plus ambitieuse que Depardon (je ne l'ai point vu mais me fie aux commentaires de Gols), c'est qu'elle s'intéresse à tout un pan de l'histoire des Etats-Unis (voyage dans l'espace mais aussi dans le temps) et donne à voir toute la réalité sociale de cette Amérique "cachée". Disons-le d'ailleurs en un mot : cette œuvre est absolument bluffante. Why ? Le principe de départ semble ultra simpliste (le personnage principale, de retour aux States après avoir passé dix ans en Afrique comme docteur, s'apprête à bouffer de la route) et s'annonce un peu ennuyant sur 4h (Si le type est un fan de Wenders, on va le voir changer un pneu en temps réel). On se fourre le démonte-pneu dans l'oeil. Sans avoir l'air d'y toucher, chaque étape, chaque interview (sans effet choc à la mode : caméra toujours solidement posée sur son socle, droite dans ses bottes) constitue une pièce dans le puzzle américain d'hier et d'aujourd'hui ; au bout de 4 heures, lorsque l'ensemble de l'oeuvre apparaît, on a l'impression que le gars a été complet, est parvenu à nous livrer un condensé de toute l'histoire des States jusqu'à nos jours. Un véritable tour de force en si peu de temps, sans jamais avoir été didactique, sans jamais avoir donné le sentiment que tout cela avait été parfaitement planifié, organisé.

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Du nord des States (où il est question d'une nation indienne locale qui survit... en jouant au bingo) à Miami (et son immigration cubaine), chaque rencontre, chaque "reportage" (même si le mot n'est pas vraiment adéquat : pas de montage à la mitraillette, juste la volonté de montrer des "choses vues" comme si elle se trouvait inopinément sur la route de notre homme) permet d'illustrer une facette de cette Amérique : qu'il s'agisse de faits historiques, disais-je, (sont évoqués en vrac l'écriture de la Constitution américaine, la guerre de Sécession et la fin de l'esclavage, la guerre du Vietnam...), de littérature (Whitman et Thoreau notamment), de mouvements conservateurs (des prédicateurs aux assoces anti-avortement), de l'Amérique "d'en bas" (les hôpitaux publics dans les quartiers défavorisés ou les associations de bénévoles distribuant "la soupe populaire"). Autant de thèmes traités "en immersion" (le docteur que l'on suit met toujours la main à la pâte et interroge les personnes qui se trouvent autour des lieux historiques) avec un naturel évident. S'ajoutent bien sûr à cela toutes les rencontres de hasard (sauf une : il retourne après des années chez un pote, camarade d'armée ; ce dernier est un peu diminué depuis qu'il a reçu une "balle dans la bouche" lors d'une enquête journalistique) qui sont autant de portraits en creux de ce non-rêve américain (des gens du "commun" avec leur petite touche perso plus ou moins farfelue). Ce "road-trip-dans-le-temps" (vous voyez les Visiteurs ? A l'opposé du spectre en terme de finesse et d'intelligence) se suit sans que l'on compte les kilomètres, sans jamais qu'on ait l'impression d'être dans le pur anecdotique (véritable tour de force en soi) : toutes ces images sont pleines comme un oeuf d'humanité, d'empathie pour son frère humain, et parfois même chargées d'émotion (la visite by night du monument aux morts (où sont gravés notamment ceux de la guerre du Vietnam) a failli me tirer une larme)). Bref, un doc number one pour tous les amoureux du réalisme, de l'absence d'artifices.

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Commentaires
H
Me rappelle l'avoir découvert un soir, par hasard, sans en savoir rien, sans même savoir que la vision de ce film, dont j'ignorais la très longue durée, m'emmènerait fort tard dans la nuit ; sans savoir, surtout, que cela deviendrait mon documentaire préféré — au diable les étiquettes : l'un de mes films préférés. Dire qu'un film fait fait voyager, c'est la plupart du temps à la fois un truisme et une exagération ; en l'occurrence, l'expression me semble pertinente. Un des plaisirs pris à la série 'The Wire' fut d'y retrouver le Baltimore à la fois sinistré et très vivant que j'avais découvert dans 'Route One USA' : à vingt ans de distance, la fiction documentée tutoyait le documentaire romanesque.
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