LIVRE : Penser l'Islam de Michel Onfray - 2016
Il est pas content, notre Michel. Après les attentats de novembre, il a eu l'impudence de remettre en question les raccourcis des medias consacrant l'islam, a été traité de tous les noms d'oiseaux (dont certains datant du IIIème Reich), et a été conspué par une grande partie de la presse qui n'attendait qu'un bouc-émissaire pour se déchaîner. Quelques mois sont passés, il tente avec ce petit essai en forme d'auto-interview de préciser sa pensée, qui a été ensevelie sous les réactions purement émotives de l'époque.
L'émotion, il n'aime pas ça, notre philosophe. Il préfère la raison, la culture, la réflexion, et on ne peut que lui donner raison dans le cas qui nous occupe. Le voilà donc qui pointe par le menu les ambiguités du Coran, qui reprécise soigneusement les termes honnis ("amalgame", "terrorisme islamiste", "laïcité"...), et qui fustige les télés d'information, les raccourcis à la "Je suis Charlie" et les politiques à langue de bois. On jubile de retrouver le sérieux et l'érudition du gars, qui a lu environ 87 traductions différentes du Coran pour s'assurer de pas dire de connerie, qui fait appel au bon sens pour comprendre les nuances à apporter au débat et la distance nécessaire pour parler de sujets aussi brûlants, et qui propose au final quelques solutions assez audacieuses : favoriser un Islam apaisé sur le territoire français, en salariant les imams prônant une religion de paix ; ne jamais s'imiscer militairement dans les affaires des autres pays (puisque la guerre menée entre autres par la France en Syrie ou en Irak a armé indirectement le bras des terroristes du Bataclan) ; requestionner la séparation de l'Eglise et de l'Etat en France, à l'heure ou la religion musulmane remplace la catholique de façon beaucoup plus pratiquante... Autant de propositions politiques qui devraient à nouveau déclencher la polémique, mais dont on est bien obligés de reconnaître la pertinence devant la démonstration parfaitement construite du sieur.
Peut-être un peu trop indigné, peut-être encore un peu sous le coup de la colère face à ceux qui l'ont condamné, Onfray bâcle un peu son livre parfois, laissant pas mal de (ses propres) questions en suspend, préférant aller au plus vite comme si on pouvait à nouveau le couper comme sur les plateaux de télé où on l'a crucifié récemment. La première partie, qui revient sur les attaques dont il a été la cible, sent trop la rancune, et la deuxième, consacrée à ce long (et faux) entretien manque de développements. On reste donc un peu sur sa faim, et on attend toujours le grand livre sur l'islam écrit par l'athée Onfray. En l'attendant, on peut lire ce livre qui pose de bonnes questions, à défaut de répondre à toutes, saine lecture qui re-questionne inlassablement nos à-priori et les clichés rapides véhiculés sous le coup de l'émotion post-attentats.