Pas un Bruit (Hush) (2016) de Mike Flanagan
Je ne suis pas très friand des films dits d'horreur, ce n'est pas une nouveauté en soi. A ceux qui me demanderaient une piste pour me justifier, je commencerais sûrement par arguer du fait que le scénario est souvent con comme la lune. Il était donc une fois un tueur à l'arbalète (au Moyen-Age, cela peut encore se justifier... mais dans le monde moderne ?!!!!) qui décide de s'attaquer - purement gratuitement, Flanagan ne s'emmerde même pas à chercher de quelconques raisons psy antérieures - à une sourde et muette (!). On se dit, au départ, naïf, tiens, cela peut receler éventuellement de bonnes idées : genre le personnage filmé en caméra subjective qui reste sourde aux pas du tueur dans son dos, et là, on repasse en focalisation externe et un schhhhllllaaaccck terrible nous déchire les tympans alors que le tueur transperce sa victime avec son manche d'arbalète… Ben, non, elle est sourde et muette et cela n'a pratiquement aucune incidence sur le scénar ; tout comme le fait qu'elle soit écrivaine, d'ailleurs, si ce n'est le fait qu'elle soit super forte pour deviner toutes les possibilités de mourir. Essayons de trouver un point positif au bazar : alors ça se passe dans la pénombre (mouais - atmosphère plutôt flottante), Flanagan prend tout son temps entre deux tueries (ouaaaiss), il y a un chat mais il ne se fait pas trucider (merci Mike, je voyais pourtant le coup venir de loin) et puis voilà je crois qu'on a fait un peu le tour de la chose. Le truc sans aucun doute le moins crédible dans toute l'histoire - pour donner une idée du niveau intellectuel du tueur - c'est que toute la maison est en vitre mais il semble se refuser catégoriquement à en péter une. Non seulement il a l'air con avec son arbalète et son masque en pâte à modeler réalisé pour la fête des pères en petite section de maternelle, mais en plus il paraît ne pas savoir à quoi peut bien servir une pierre : pour rentrer chez les gens pour les trucider, le gars, il lui faut la clé - question de principe. Pas fute-fute, décidément, notre tueur se fait même piquer son arbalète par notre héroïne sourde comme un pot mais loin d’être con comme un bol - dommage, elle ne sait pas s'en servir, c'est une femme, il ne faut pas non plus rêver (l'arbalète, c'est un truc d'hommes, clair). Pour ce qui est du gore (il faut bien que notre petit côté voyeur malsain en ait au moins pour son argent), on n'est pas vraiment non plus convaincu par la chose. Le tueur met bien une soixantaine de coups de couteau dans sa première victime (on sent le type en manque de confiance sur ses capacités professionnelles) mais par la suite, il faudra se contenter de quelques scènes coupe-gorge avec quelques giclettes qui font toujours bien marrer mais qui n'ont rien de bien original. Bref en un mot comme en cent Hush n'a rien de ouf. Flagadan. (Shang - 20/04/16)
Eh bien je pense à peu près l'inverse de mon camarade, une fois n'est pas coutume (même si c'est la coutume entre nous sur les films d'horreur). J'ai trouvé Hush super malin, pour ma part, et rit très fort des réserves de Shang. A mon avis, vouloir mettre du vraisemblable et de la cohérence dans le genre de l'horreur, c'est comme chercher un faux raccord dans l’œuvre de Bela Tarr. Bien sûr qu'assassiner quelqu'un avec une arbalète n'est pas la chose la plus pratique qui soit, mais un tueur à l'arsenic lent aurait moins de chance de figurer dans les grands films gore : une arbalète, c'est fun, ça fait mal, c'est visuel ! et tant pis si on met 10 ans à la recharger, ça rend encore plus tendues les pauvres tentatives de notre héroïne pour le faire alors que le tueur s'approche à grands pas. Un film d'horreur, ami Shang, c'est un spectacle, il faut que ce soit sanglant et dingue ; et de plus, c'est un cauchemar, et à mon avis tu as plus souvent rêvé qu'on t'assassinait dans des bouillonnements de sang que de ta belle mort entouré des tiens. Je balaie du même revers de main les réserves sur les vitres qui pourraient permettre au tueur de rentrer chez notre pauvre Maddie : d'abord, je signale que ce n'est pas du verre, mais un machin bien solide, en attestent les efforts démesurés du gars pour briser la baie vitrée ; et d'autre part, s'il était rentré tout de suite, le film durerait 2 minutes. Là, c'est brillant, dans ce dispositif qui met la victime au vu de son bourreau tout en la protégeant de façon très dérisoire. En gros, Flanagan fait du cinéma d'horreur, pas un documentaire de Wiseman. Enfin, sur les explications psy des motivations du tueur, il n'y en a effectivement pas, mais Dieu en soit remercié : pour une fois qu'on n'a pas les flash-back sur les traumas d'enfance, ou les pages de journal vieilli sur un orphelinat ou sur un avortement, on ne peut que se réjouir.
Et c'est justement là que le film est excellent : il constitue une épure du genre. Une femme, un assassin qui veut la buter, un lieu unique, point final. Ce retour à la pureté du genre n'est pas sans évoquer le mythique Halloween, qui pratique comme Hush une sorte d'hommage par la simplicité. Flanagan a compris (et il semble l'avoir BIEN compris, vu le reste de sa filmographie) que le bon film d'horreur n'a pas besoin de 12000 machins complexes, de scénarios hyper compliqué, d'effets mirobolants ; au contraire : il gagne à être simplifié au maximum, un peu comme une ligne claire. Et ce film est parfait de ce côté-là : on est entièrement concentré sur le jeu de chat et de souris de cette histoire qui n'appelle aucune lecture, aucune interprétation, aucune trame secondaire pour impressionner. Dans les premières minutes (un début hyper malin, qui nous apprend en quelques minutes tout sur les personnages sans besoin de paroles, un peu comme un début de John Huston), il semble jouer le jeu habituel : la fille rendue sourde et muette par maladie, sa rupture avec son gusse, ses difficultés d'inspiration. Mais dès que le tueur apparaît, il délaisse tout ça pour ne se concentrer que sur le mince fil rouge : la belle va-t-elle se faire éventrer ou va-t-elle éventrer ? La grande trouvaille étant de faire de son héroïne une sourde-muette : le film est sans dialogue (à l'exception de cette concession trop facile que Flanagan fait à son principe, celle du voisin qui intervient), constitué uniquement de bruits, dont on tremble justement de savoir que Maddie ne peut pas les entendre, alors que le tueur si ! En tout cas, ce silence ajoute à l'épure, presque à l'abstraction du film (un film d'horreur sans cris, où la douleur n'est exprimée que par un visage tordu, quelle merveille !), resserre encore son dispositif vers plus de simplicité, et donne une bande-son de bruissements, de soupirs et de frottements assez remarquable. Bon, Flanagan ne parvient pas à garder le cap de bout en bout, et fait pas mal de concessions à son principe, il faut bien vivre, et ça empêche d'admirer complètement ce film. Mais rien que pour le principe, et pour la profonde compréhension du genre, on s'incline avec respect devant le gars, digne héritier de Carpenter et modeste relais des beautés du film d'horreur. (Gols - 11/05/21)