Le Bagarreur du Texas / Le Mariage est pour demain (Tennessee's Partner) d'Allan Dwan - 1955
Voilà ce qu'on appelle du cinéma châtoyant ou je m'appelle pas Colorado Gols. Allan Dwan réalise un western absolument splendide pour les yeux, réconfortant pour le coeur et précieux pour tout amoureux du "western sentimental" qui se respecte. C'est une histoire d'amitié pure et dure, qui pourrait virer, oui, à la romance crypto-gay, s'il n'y avait là la présence, comment dire, sexuée à mort de Rhonda Fleming, qui fait basculer à elle seule l'ensemble du film dans un érotisme hétéro insoupçonnable. Dès la première bobine, Dwan la filme prenant son bain en chantant "Heart of Gold" d'une voix tonitruante, et la vision de ces épaules nues et de ce drap de bain dévoilant sa cuisse suffirait à nous faire mourir en paix. On se dit au départ que c'est peut-être elle, la "partner" du titre : elle dirige en effet une sorte de maison de mariage, dans laquelle on peut aussi bien jouer au poker et boire des pintes que trouver femme à marier en la personne de charmantes gorettes aux robes multicolores. Pour la soutenir, son amant Tennessee (John Payne, élégantissime), champion de poker qui la prend sous son aile et lui verse une part de ses dividendes. Partenaire de profits, donc, que la belle aimerait bien épouser, malgré les réticences viriles du sieur.
Arrive en ville un brave cow-boy (Ronald Reagan, féminisé à mort) qui va devenir le meilleur pote de Tennessee. Reagan doit épouser une donzelle que Tennessee connait bien : une profiteuse bien bitch. Notre héros va tout faire pour détourner son poteau de ce funeste projet. Toute la première moitié du film est consacrée à ça, à travers un scénario très étonnant pour un western : un homme essaye d'en convaincre un autre que sa femme est une salope. Le flegme grand crin de Payne fait merveille opposé au sentimentalisme tout feu tout flamme de Reagan, sous le regard incandescent (et un poil jaloux) de Fleming : celle-ci adore son Tennessee, mais voit dans la passion aveugle et conventionnelle de Reagan le moyen de mettre elle aussi la bague au doigt de son homme. Un vaudeville, oui, voilà, mais sur fond de cow-boys menaçants et de coups de feu pétaradants. Car le succès de Tennessee aux cartes ne lui vaut pas que des amis, et très vite la comédie sentimentale se double d'un suspense tout westernien. Nos deux amis parviendront-ils à régler cette histoire de gorette légère tout en se débarrassant des félons qui convoitent leur mine d'or ?
La mise en scène de Dwan est superbe, surtout grâce à cette photo proprement incroyable. Le film baigne dans les couleurs, réhaussées par la beauté des costumes et le judicieux choix des décors. La "maison de mariage" est une merveille de détails tous plus beaux les uns que les autres. Dwan, toujours modeste, prend pourtant un évident plaisir à rendre ça le plus glamour possible, avec ses mouvements de caméra qui passent de grandes plongées à des plans d'ensemble très bien réglés (beaucoup de figurants à l'écran, du début à la fin, et du coup, une utlisation des profondeurs de champ et des miroirs très sophistiquée). Le scénario, très original malgré quelques petits problèmes de construction sur la fin (comment Tennessee parvient-il à retrouver la trace du félon ?...) fait passer sans arrêt du grand film de sentiments à la comédie, et de celle-ci au film d'action, et de celui-ci au portrait de deux hommes qui s'éprennent l'un de l'autre, c'est rempli comme un oeuf sur 80 minutes de métrage. Direction d'acteurs impeccable, musique agréable, sens du détail dans les personnages secondaires, on est gâté.