L'Amour à la Mer (1962) de Guy Gilles
Pourquoi Guy Gilles est un des cinéastes oubliés de la Nouvelle Vague ? Il y a, comme chez Truffaut, le même désir de filmer Paris, il y a comme chez Godard, ce même goût pour filmer deux jeunes amants allongés amoureusement dans un lit, il y a, comme chez Demy, cette même approche un peu tristoune des villes de province de bord de mer (Brest auquel Saint-Nazaire n'a rien à envier en ce temps-là...), cette même volonté de filmer des chanteuses de cabaret, cette même histoire d'amour sur fond de guerre d'Algérie. Il y a en plus, déjà ce style particulier de monter des micro-vignettes avec ce soin apporté au cadre. Pourquoi est-il donc oublié ? Eh bien sûrement tout simplement parce que, contrairement à ses pairs, tout fonctionne un peu moins bien... Sans vouloir être trop dur, cette histoire d'amour qui tombe rapidement dans une impasse (elle est jeune, elle l'aime de tout son petit coeur, il s'en va, il s'en fout, il la trompe, la retrouve mollement et se trouve un pote) part plutôt d'un bon principe (des désillusions amoureuses) mais s'étiole trop rapidement pour qu'on s'attache à l'un ou l'autre des personnages ; il est d'ailleurs bien difficile, à peine le film terminé, de se souvenir d'une scène en particulier : quelques jolis plans volés, comme un livre d'images, mais pas assez de souffle, de dialogues enjoués (seule la lettre, sur la toute fin, du personnage principal semble avoir été soigneusement fignolée), de vivacité, de passion...
Guy Gilles a bien du mal lui-même à se focaliser sur ses personnages centraux nous livrant au milieu du film une longue histoire en insert sur un type qui se souvient de sa vie à Paris... C'est d'ailleurs, quand on y songe, Paris et Brest qui finissent par paraître les véritables héros de l'histoire, un peu comme s'il s'agissait plus d'un film touristique (ou anti-touristique en ce qui concerne Brest : seuls les passionnés de la pluie semblent pouvoir y trouver leur bonheur) que d'un film d'amour (ou de non-amour, pour tenter un parallèle un brin futé...). Le comble, c'est que ce sont finalement les scènes avec les caméos de luxe qui ont le plus d'impact : Jean-Pierre Léaud (je vous en reparlerai pour Out one, Noli me tangere où il est absolument génialissime) en jeune homme fauché fait un petit numéro plein de charme et de grâce (personne ne veut lui filer 55 boules pour prendre le métro, bon sang) et Jean-Claude Brialy en noctambule disert se lance dans un petit discours assez savoureux (au bout d'un moment, dans n'importe quelle ville, les gens finissent par aller se coucher : c'est bien là le drame). Au-delà de ces deux petites séquences drolatiques, il y a les errances de l'héroïne perdue dans ses souvenirs et les errances du héros se perdant dans ses tromperies : les images sépia sont parfois bien jolies mais cela ne suffit malheureusement pas pour rendre cette oeuvre bien tendre inoubliable. Il y a parfois comme une sorte de justice...