Theeb (2016) de Naji Abu Nowar
Quand on voit un gamin sur l'affiche, des paysages super exotiques et un titre qu'on comprend pas, on sait qu'on risque le film Pier Import tant décrié par mon camarade. On a peur, on y va sur la pointe des pieds en suivant la trace de ces chameaux sillonnant le désert, ne pouvant se retenir de faire une petite grimace d'usage alors que l'on reçoit le soleil en plein face. Un gamin décide donc, sur son âne, d'emboîter le pas de son grand frère qui accompagne lui-même un Anglais à la recherche de ses troupes (on est à l'époque de la première guerre mondiale). Les paysages (ceux-là même qui servirent de décors à David Lean) sont bien jolis mais la balade est un peu morose. Elle va prendre rapidement un goût plus aigre lorsque les Bédouins, en pleine révolte, vont passer à l'action. Notre gamin, Theeb (ça veut dire Loup, je le dis pour les incultes), va vite être confronté à une situation des plus embarrassantes, devant dorénavant assurer seul sa survie...
Abu Nowar ne cherche pas à remplir ce paysage désert de dialogues et c'est tout à son honneur. Les personnages sont plutôt des taiseux et l'on profite d'autant plus de ce voyage à dos de chameau. L'on est également d'autant plus surpris lorsque les premiers coups de feu résonnent dans cet endroit du bout du monde ; des gens tombent. Certains crient, à l'aide, mais personne ne les entend. C'est Alien sur terre. Notre petit ami Theeb va devoir faire alliance avec un des types qui lui a tiré dessus... Une situation qui sent à plein nez les bons sentiments (aimons-nous les uns les autres, bon sang) et la solidarité à la con (un gamin perdu, un adulte rustre, argh). Mais Abu Nowar n'est heureusement pas tombé de la dernière pluie (qui remonte de toute façon à loin, en ce lieu) et saura nous cueillir au moment où on l'attend le moins. Il nous réserve au final un film beaucoup plus rugueux, pour ne pas dire âpre que prévu, qui sait faire la place belle à ces paysages sans les cartes-postaliser à l'excès (c'est très beau mais aussi très rude), à ces personnages brut de décoffrage sans les idéaliser. C'est déjà beaucoup et Theeb (film jordanien, et il n'y en avait pas des tonnes sur ce blog jusqu'alors), sélectionné comme un petit poucet à l'Oscar du meilleur film étranger (l'une des seules catégories, généralement, que je cautionne), mérite amplement d'être vu comme un film avec son identité propre. Theeb (j'ose ? Allez...), n'est pas en d'autre terme une resucée - voilà, voilà (pas sûr qu'avec ce slogan Shangols apparaisse sur l'affiche - tant pis, j'assume). (Shang - 21/01/16)
Moui, alors là je trouve mon compère très bon public pour avoir placé ce minuscule film dans les 10 meilleurs de l'année. Pas que ce soit raté, loin de là, et je cautionne toutes les qualités énoncées par le Shang : effectivement, le côté Pier Import est totalement évité par l'absence de concessions faite au grand public par Abu Nowar, et le film appartient à son identité avec une belle franchise. Oui, les acteurs sont très bien, à commencer par ce petit Theeb, immédiatement photogénique comme tous ces mômes du cinéma mondial qui vous rentrent direct dans l'oeil. Certes, le film est très agréable, privilégiant les beaux plans sur ce paysage aride aux événements purs, même si ceux-ci sont suffisamment spectaculaires pour relancer l'attention de temps en temps. Il enregistre avec douceur le passage de ce môme à l'âge adulte (beau plan symbolique, à la fin, que celui du chameau qui le transporte qui franchit la ligne de chemin de fer, comme une frontière entre l'avant et l'après), et on se dit qu'il y a des destins qui sont plus menacés qu'à Neuilly. Le dénouement est surprenant, les personnages intéressants, rien à dire.
Mais difficile d'écrire plus de trois lignes sur ce petit machin innocent qui m'est rentré dans un oeil et sorti par l'autre en trois secondes (Shang a sûrement un avantage sur moi là-dessus : le film a dû rentrer mais n'a pas pu sortir) . On regarde la chose avec le dépaysement de rigueur, en se disant "oh la la le pauvre enfant". Et puis on retourne à ses affaires, en attendant la rediffusion dans un ciné-club de quartier. Franchement, rien à dire de plus. (Gols - 10/05/17)