La Guerre d'Algérie de Jean-Marie Straub - 2014
J'aime bien les films de 2 minutes de Jean-Marie Straub : ils sont aussi chiants que les autres, mais ils ne durent que 2 minutes. La Guerre d'Algérie est donc un des plus regardables du gars récemment. Constitué de deux plans seulement, entrecoupés de noirs, il rapporte un "incident" survenu alors qu'un soldat se voit ordonner par son lieutenant de raser un village algérien au lance-flammes : le gars se retournera contre le gradé, incapable d'accomplir ce geste. Le texte, annoné façon outre-tombe durant les noirs, rappelle comment un homme ordinaire peut être soudain envahi par la violence et commettre l'irrémédiable. Les quatre lignes de dialogue directs sont "joués" par l'ingé son et l'ingé image dans un appartement bellement éclairé en lumière naturelle. Bon, on voit ce que c'est : raconter à distance cette histoire tragique, en la mettant à plat, en la sortant de son contexte et en la vidant de toute émotion directe pour en faire ressortir la force. Et c'est vrai que ça fonctionne : pas besoin de plus de choses pour que l'absurdité de cette anecdote apparaisse ; une allusion aux camps de concentration, un flingue au bout d'une main, trois mots, et emballé c'est pesé, Straub nous donne une image de la connerie de la guerre en un seul mouvement ramassé. Pour conclure son film, il cadre un livre de Servan-Schreiber sur les séquelles psychologiques des guerres, et là aussi, une image vaut tous les discours. Une fois qu'on a dit ça, on peut relever aussi le fait qu'appeler un film de 2 minutes "La guerre d'Algérie" paraît un peu ambiteux : si cette histoire est emblématique de toute une histoire de la violence, on peut penser qu'elle ne la résume pas. La solennité du récit, la force de son épure, déclenchent bien sûr la prise de conscience et l'émotion ; mais ça ne suffit pas. Cela dit, un film fort, frontal, radical, straubien, quoi.
Tout Straub et tout Huillet, ô douleur : cliquez