En Vitesse (Speedy) (1928) de Ted Wilde
Envie d'une petite plongée dans la Grosse Pomme d'il y a soixante-dix ans et des bananes ? Eh bien voilà l'œuvre toute trouvée, une œuvre menée de bout en bout par le truculent Harold LLoyd un peu négligé en ces colonnes. LLoyd, c'est une trouvaille visuelle toutes les trente secondes, du gag à la pelle qui fait souvent mouche. Avec un crabe en poche et un toutou, il te met le souk à Coney Island, avec une voiture à cheval, il te crée l'enfer dans les rues new-yorkaises... L'histoire en deux lignes est celle du pot de terre contre le pot de fer. Le futur beau-père de Lloyd est le dernier conducteur de voiture à cheval à N.Y. Les investisseurs dans les transports collectifs cherchent donc à l'éliminer à défaut de pouvoir l'acheter. Lloyd, aidé par tous les petits artisans de ce quartier de Manhattan (gloire à ceux qui animent cette ville et représentent encore l'âme de New York), va se battre contre ces pontes mafieux. La vieille garde et un brin d'humour contre le monde de l'argent sale - tout un programme expédié à vitesse grand V.
Lloyd est capable de t'afficher un score de base-ball en vitrine avec des doughnuts, un boudoir et un bretzel (jamais à court d'imagination, le gars, surtout lorsqu'il s'agit de rendre hommage au sport roi - apparition plus tard dans le film de Babe Ruth, himself, l'une des légende de ce sport), de se la jouer hyper-romantique avec deux sous en poche (la petite balade avec sa dulcinée à Coney), de conduire comme un dingue n'importe quel moyen de locomotion dans cette ville de dingue, d'aller à la baston en rameutant tous les papis vieillissants du coin - vieux mais bougrement malins. De l'inventivité, de l'amour, de l'humour, de la solidarité, que demande le peuple... Au-delà du fait qu'une bonne partie du film aille à toute blinde, il y a également un réel hommage à toutes ces petites échoppes qui donnent leur charme et son cachet à cette ville. Lloyd est quant à lui un aimant lorsqu'il s'agit de s'attirer la sympathie des bonnes gens... ou des bons vieux clébards sans collier. Cet ancêtre de Tati sait par ailleurs distiller ses petits gags visuels avec une vraie finesse (le coup du parapluie, le crabe qui reste le dernier au centre de cette roue qui tourne - j'en ris encore…) et l'on apprécie ce désir constant de toujours chercher le moindre prétexte pour rendre le moindre plan burlesque sans être lourdingue (C’est toi Laurel). A voir à toute vitesse.