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2 novembre 2015

L'Oiseau au plumage de cristal (L'Uccello dalle piume di cristallo) de Dario Argento - 1970

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C'est Halloween, ressortons les vieux trucs. En 1970, Argento pose les bases du giallo et réalise ce petit film fûté, imparfait mais très fun, qui restera un des étalons du genre. Notons tout de suite que, dans toutes les scènes où il ne s'agit pas de filmer des meurtres ou des moments de tension, on s'ennuie sévère. De ce côté-là, le temps a fait son oeuvre, et ces dialogues à rallonges, ces déplacements qui ignorent l'ellipse, ces petites saynètes insipides, ces vagues tendances erotique soft, ont fait leur temps : c'est ringard, dépassé, et le vrai plaisir consiste plus à se foutre de la gueule des costumes et du jeu des acteurs qu'à apprécier les qualités cinématographiques du bazar.

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Par contre, dès qu'il s'agit de filmer de la gonzesse terrifiée, de la ruelle sombre ou du zigouillage de seconds rôles, Argento est bel et bien présent, et nous offre quelques vrais moments de bravoure. Le sommet : cette séquence cauchemardesque où le héros, prisonnier entre deux parois de verre, est contraint d'assister à un meurtre qu'il est impuissant à arrêter. La scène, par son silence, par l'implacabilité de son dispositif, a tout de la scène onirique, les images muettes constituant désormais le cauchemar lancinant qui peuple les pensées du héros : il importe de se repasser sans arrêt les images traumatiques pour y déceler LE détail oublié qui sera la clé du mystère. Le film revient sans arrêt sur la même scène, zoomant à l'envi, écartant le cadre, ralentissant les mouvements, pour tenter de trouver la solution du bazar. La thématique de l'image manquante, quoi, que j'avoue être une des mes passions. Ce qui est fort avec ce film, c'est qu'Argento opère un basculement insensible mais très bien géré entre le héros et nous : de spectateur des agissements du serial-killer, le gars va devenir victime de celui-ci puis peu à peu acteur et justicier ; le spectateur suit le même chemin, d'abord simple témoin, puis sollicité de plus en plus pour lui aussi scruter ces images et aider le protagoniste. La résolution de la chose est d'autant plus réussie qu'elle était dès le départ sous nos yeux : Argento nous prend en défaut, nous accusant à juste raison de ne pas assez regarder son film. C'est la mise en scène de ce premier meurtre qui donne la tonalité du film entier ; à la rigueur, tout le reste n'est là que pour meubler l'attente et en arriver au point sensible : qu'est-ce qu'on n'a pas vu, qu'est-ce qui nous échappe ?

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Un meublage d'attente tout à fait délicieux, plein de crimes suprêmement mis en scène à grands coups de zooms tonitruants, de musique angoissante (Morricone au pupitre, et c'est bon) et de rythme lentissime qui fait doucement monter l'angoisse. On voit ce que De Palma a aimé là-dedans : un mélange de baroque, d'exagération presque grand-guignolesque et de maîtrise totale du suspense. Le calme du tueur permet à Argento d'étirer jusqu'à plus soif les séquences de crime, et à notre regard de percevoir la beauté des couleurs (du noir et blanc très froid en général, sur lequel le rouge du sang qui coule à flot vient trancher dans un effet puissant). Il y a une sorte de fétichisme des gestes du tueur qui confine à la fascination, et le film parvient très bien à nous prendre la main dans le sac de cette fascination morbide. Dommage que les scènes calmes soient si fades ; voilà un vrai petit trésor de thriller, original, pionnier et précieux.

Commentaires
T
Magnifique oiseau ! https://le-cinema-de-tietie007.blog4ever.com/l-oiseau-aux-sept-plumes-de-cristal
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C
Vous êtes un peu vaches avec les interprètes mais ça ne m'étonne pas de vous ! Je les trouve sympathiques et on n'a pas de mal à s'intéresser à l'enquête du héros, dont on est convaincu de la nécessité après la scène de meurtre initiale terrible... J'ai adoré le film, alors je me permets d'ajouter un petit commentaire. (Du coup, plein d'enthousiasme, j'ai tenté "Le Chat à neuf queues" et c'est une catastrophe, aussi creux et bidon que "Suspiria" et "Inferno")<br /> <br /> <br /> <br /> Le film relève du giallo (il comporte une enquête policière et personnelle sur plusieurs meurtres donnant à l'écran d'assez longues scènes de suspense) mais le plus surprenant est un discours qui a peu à voir avec le cinéma policier : il montre plusieurs formes d'art, toutes liées à la mort mais en valorisant le cinéma. Dès le début, tous les personnages appartiennent au milieu artistique : Sam, le héros, est un écrivain à la recherche d'un sujet d'inspiration (et réduit à écrire un livre sur les oiseaux !), il rencontre son agent et un éditeur dans les scènes inaugurales ; la première scène de meurtre a lieu dans une galerie d'art, le galeriste et sa femme.<br /> <br /> <br /> <br /> 1) La scène de la tentative de meurtre : la vitrine est encadrée par un écran nettement marqué dans un des premiers plans de la scène et elle instaure une coupure radicale entre Sam et la scène dans laquelle il voudrait bien intervenir : pas de doute, Sam est au cinéma. Cette scène de cinéma se transformera aussitôt en souvenir au sujet duquel Sam est persuadé qu'il n'a pas vu quelque chose. C'est la même chose pour le visionnage d'un film : avant l'invention du magnétoscope, le film n'existe que dans la mémoire du spectateur. (A la différence d'un film, ici, la projection n'a eu lieu qu'une seule fois et pour un seul spectateur involontaire...). Il se repasse la scène, en faisant des arrêts sur images, mais ne trouvera jamais seul ce qui lui manque. C'est en découvrant le meurtrier qu'il comprendra qu'il avait mal interprété la scène (le meurtrier était la victime et réciproquement). <br /> <br /> <br /> <br /> 2) Ensuite, il y a le dessin naïf, qui lui ne pose pas de problème d'interprétation : c'est une tentative de meurtre explicite d'un homme sur une femme dans une petite ville enneigée. On ne voit aucun des deux visages, il n'y a aucun détail qui permette à Sam d'apprendre quoi que ce soit sur le lien du tableau avec le meurtre. Mais il y a le paratexte, par exemple le peintre lui-même... Sam va le voir et apprend que le dessin lui a été inspiré par l'histoire vraie d'une agression. Sam n'a pas le temps de pousser son enquête plus loin (il doit repartir le jour même aux Etats-Unis) mais s'il l'avait fait, il aurait pu apprendre le nom de la victime de cette agression (Monica Ranieri). Il n'est pas du tout certain que cela l'aurait aidé à résoudre le mystère : comme Monica Ranieri avait fait l'objet d'une tentative de meurtre, elle était déjà liée à l'énigme. La reproduction noir et blanc de ce dessin n'apprend rien à Sam malgré les longs travellings avant qui montrent la concentration de ses pensées à sons sujet. On apprendra que c'est ce tableau (l'original en couleur) qui est à l'origine de la série de meurtres : il provoque une crise dans l'esprit de Monica parce qu'elle reconnaît sa propre agression et qu'elle s'identifie à son bourreau. Il y a une chose remarquable, c'est que le peintre lui-même (Mario Adorf) n'est jamais suspect dans l'enquête policière, et surtout pas dans l'esprit du spectateur. C'est un sociopathe avéré mais dépeint avec beaucoup d'humour (l'échelle pour atteindre l'étage de sa maison murée, les chats élevés pour être mangés). Quand Sam lui montre la reproduction, il la reconnaît mais avec indifférence parce qu'il est désormais dans une période mystique (tableaux à l'appui... toujours peints dans son même style naïf).<br /> <br /> <br /> <br /> 3) Enfin il y a l'imposante sculpture contemporaine, non figurative, un panneau sombre hérissé de pointes. Argento ne le met jamais particulièrement en valeur (ni dans la mise en scène, ni par des dialogues de personnages à son sujet). Son unique utilité est de servir d'arme à la meurtrière, qui essaie d'écraser Sam dessous.<br /> <br /> <br /> <br /> 4) Outre le cinéma, le dessin figuratif et la sculpture, il y a peut-être une autre forme d'art dans le film, elle aussi liée à la mort. Dans le cas de plusieurs meurtres, on voit le sang de la victime gicler sur une surface, parfois toute blanche. Comme le film convoque explicitement plusieurs formes d'art, il est difficile ne ne pas penser au geste de certains peintres non figuratifs (Pollock) qui jettent la peinture sur la toile. A la liste des formes artistiques évoquées dans le film, on pourrait ajouter la photographie, puisque c'est une photographie du tableau naïf que contemple le héros.<br /> <br /> <br /> <br /> Sont donc présents dans le film : le cinéma, la peinture (figurative ou non) et la sculpture (non figurative). Mais le film (la scène de meurtre initiale) est montré comme difficile à comprendre, à interpréter, sur lequel le héros revient régulièrement mais en vain : les images de cinéma ont un caractère inaccessible, sauf par son auteur elle-même (quand l'assassin se révèle au héros). En revanche, c'est beaucoup plus simple pour la peinture et la sculpture. Le tableau figuratif naïf n'a rien à livrer, quand bien même le héros le contemple longuement, à plusieurs reprises ; Sam pourra s'en assurer en allant rendre visite au peintre : celui-ci n'a rien à lui apprendre sur l'agression elle-même (à part sa réalité), ni sur son geste à lui et le fait qu'il soit passé à des tableaux mystiques dont le contenu est l'opposé exact de celui-ci signale assez sarcastiquement la versatilité, voire la superficialité de ce peintre. La sculpture figurative n'a d'autre intérêt dans le film que de servir d'arme de crime, donc une finalité assez peu reluisante... Aucune oeuvre de la galerie n'est mise en valeur par la mise en scène d'Argento, seul le cadre spectaculaire est utilisé. Enfin il y a les giclées de sang à la manière de la peinture non figurative et là c'est plus complexe, voire vertigineux. Il y a sans doute un aspect sarcastique, dans la comparaison du geste du peintre et du geste involontaire du meurtrier. Mais lors du tournage des scènes où le sang gicle, Argento n'a fait gicler le sang de personne, c'était du sang animal ou du faux sang, un liquide artificiel créé pour être projeté sur une toile, donc une sorte de peinture. Le geste du peintre est donc le même geste que celui du metteur en scène lors de sa création... mais les giclées de peinture du film ne sont qu'une étape, un élément parmi d'autres aussi complexes. En outre, ce qui est plus troublant, c'est que le geste du peintre est nécessaire à la création du film mais la peinture n'est là que pour figurer du sang, donc elle en devient en même temps fausse et figurative (elle figure du sang)... Le titre signalait déjà un paradoxe, l'oiseau bien vivant que l'on voit au zoo a un plumage de cristal, donc fait de matière inerte. Derrière l'histoire policière aux couleurs et décors parfois sophistiqués se cache donc une mise en valeur du cinéma sur les autres formes d'art.
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F
Le Giallo a tué le film noir comme le spaghetti a flingué le western. Celui-là est l'un des moins mauvais.
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F
Yep, yep, tu l'as dit Golsey: bon p'tit thrilloche plutôt fut'-fut' du temps où l'Argentollah ne nous assoupissait pas encore avec son patouillis de peinture(s) à doigts qu'il a d'ailleurs, grazie a Dio, remballées dans leur chevalet une fois passée la fin 70's.<br /> <br /> ...et autrement moins chiant que les exercices du Bryant à l'huile de palme dans le genre, qu'on se le dise.
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