M.A.S.H. (1970) de Robert Altman
Bonne vieille tranche de boucherie du père Altman que je n'avais pas revue depuis sa sortie ; ah non, j'étais pas né, disons alors depuis une ressortie au cinoche quand j'étais tout ado. Altman est doué pour le film choral et pour dynamiser à chaque plan sa mise en scène : mission pleinement réussie avec ce M.A.S.H. qui ose l'humour Monty Python (avec une pointe de réalisme en plus et de vrais acteurs) sur la guerre de Corée - fallait oser à l'heure d'une autre guerre tout aussi saignante et ignoble. Ça suinte l'hémoglobine par tous les pores dans ce campement de fortune et ça ose l'humour potache à fond les ballons : du cul, de la blague salace, de l'alcool, des plans à la con et en prime un match de football américain (encore un bon vieux symbole de nos amis Ricains) tourné en dérision. Je gardais bizarrement un souvenir d'opérations sous les bombes : de bombes il n'y en a point (quelques bombasses à la limite mais c'est uniquement pour faire un clin d'oeil à notre fan club féministe), pas plus que d'ennemis d’ailleurs. On est dans la bonne vieille tradition voltairienne de la guerre évoquée en tant qu'absurde boucherie et on ne va pas faire la fine bouche (vous me mettrez une tranche de foie et des rognons, merci). Plus Donald Sutherland (immense en chirurgien qui s'octroie tous les droits) ose le grand n’importe quoi, plus on apprécie l’état d’esprit type : le contexte est tellement écœurant qu'il vaut souvent mieux en rire - c'est une philosophie à laquelle j'adhère pleinement, et ce même avant de faire des piges dans l'éducation nationale.
Qu'il s'agisse des annonces du camp qui partent systématiquement en vrille ou de cette pauvre "lèvres-en-feu" copieusement moquée (tu connais le coup du rideau de douche ? Joli plan au passage sur cette assemblée qui assiste au spectacle : digne d'une équipe de tournage au complet après avoir réglé tous les détails de mise en scène), que l'on traite du suicide (superbe reconstitution de la Cène dont je ne me souvenais point - j'avais pourtant gardé bien en tête celle de Buñuel) ou de la bondieuserie, qu'il soit question de sport (belle idée que ce spot de golf alors que la guerre fait rage - sûrement un clin d'œil anachronique à Bush père et fils) ou d'amour (l'adultère, c'est mal - ainsi d'ailleurs que les bars à putes... mais bon, c'est la guerre, hein), Altman s'amuse de tout… très sérieusement ; c'est justement ce ton très particulier qui fait mouche : Sutherland et ses sbires, même s'ils ricanent parfois légèrement de leur connerie, restent constamment dignes, sobres, droits dans leur botte. D’ailleurs, même s'ils se plaisent à jouer les gugusses, ils ne sont jamais les derniers pour faire preuve d'un humanisme sain : endormir un connard de militaire pour soigner un enfant, dégommer un sale con de chirurgien (il a fait croire à un ptit jeune qu'il était responsable de la mort d'un patient), ridiculiser une grande blonde qui joue les sainte-nitouches et les garantes de l'ordre et du sérieux (elle en sera pour ses frais... avant de s'épanouir, hum, si j'ose dire). Altman semble avoir trouvé la formule magique pour atteindre ce fragile équilibre, en particulier dans le comportement de ses personnages principaux jouisseurs et spirituels, entre un esprit un rien potache et un certain sens des responsabilités (comme une sorte de tenue de clown soigneusement cachée sous la blouse blanche) : une approche plutôt finaude pour traiter de la valeur de la vie (qui ne tient qu'à un fil (de suture)... donc carpe diem) en milieu guerrier. Indémodable.
Quand Cannes, là