Les Guerriers de l'Enfer (Who'll Stop the Rain) (1978) de Karel Reisz
Un film qui repose entièrement sur les épaules de Nick Nolte ? Cela peut se révéler dangereux... Mais ici notre homme, qui sort des rôles habituels de gros bourrin (il finira tout de même avec une mitrailleuse à la main et balancera au cours du film deux-trois uppercuts efficaces), relève le gant avec brio. Nick se voit confier deux kilos d'héroïne par l'une de ses connaissances du Vietnam (Michael Moriarty en petit gus qui tente un coup de dé) : il sent venir de loin le coup bien pourri mais s'occupe du transit du paquet jusqu'aux US pour le remettre à la femme du Michael (Tuesday Weld, gentille mais un peu dans les vapes). Forcément, cela ne va pas se passer comme prévu, Nolte se retrouvant rapidement avec deux gaziers aux fesses et un flic chelou. Nolte les calme et décide de prendre la fuite dans le sud du pays avec la Tuesday. Une course poursuite est engagée : il va s'agir de débusquer le Nick qui a trouvé refuge dans un incroyable endroit perdu dans les montagnes, un lieu qui a vécu les riches heures du flower power. Plus vraiment peace and love time...
Reisz fait son entrée sur Shangols (un jour, je me retenterai sûrement La Maîtresse du Lieutenant français qui m'avait scié tout jeunot) avec cette oeuvre qui n'est pas dénuée d'énergie. Même s'il y a un gros coup de mou avant le final, Nolte, en type honnête et droit qui prend ses responsabilités (le couple formé par Tuesday - vite camée - et Michael n'étant pas vraiment à la hauteur) est relativement convaicant. Se rendant compte rapidement de la grosse connerie qu'il a faite, il ne tarde pas à foncer dans le tas (cet ancien Marine ne veut plus désormais se faire mettre par des salauds, pour résumer sa philosophie) pour régler l'affaire dans laquelle il est mouillée. Sa seule faiblesse est sans doute de vouloir écouler la marchandise (l'épisode grotesque en Californie où, là encore, il finit par trancher dans le gras pour se défaire des guignols qu'il a lui-même contactés) ; mais jusqu'au bout, il essaiera de se porter garant de la sécurité de la donzelle (no love story, il est droit dans ses bottes, disais-je - une sorte de gentleman qui a abusé de la muscu, si on veut) et de ce petit mecton qui l'a mis dans la mouise. Perché dans les montagnes, assailli de toute part, notre homme, tel un Bogart vintage, fait de la résistance (étonnant clin d'oeil burlesque aux seventies avec ce "son et lumière" improbable lors de la fusillade finale : une page semble bien s'être tourné : fini le temps de la naïveté et de la cool attitude...). Nolte est un pic, que dis-je, une montagne de muscle mais il risque, tout comme au Vietnam, de se perdre dans cette guerre qui n'est pas la sienne. Une fin digne et émouvante pour un Nolte qui trouve enfin un rôle ne reposant pas uniquement sur sa carrure. Plus finaud et captivant que le titre français grotesque.