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Shangols
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21 décembre 2015

L'Ombre des Femmes (2015) de Philippe Garrel

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Ah il faut être remonté comme un ascenseur pour avoir envie de se confronter à un film Garrelesque : le scénario, je vous le donne en mille ; ils s'aiment, font des films. Puis il la trompe, puis elle le trompe. Il fait la gueule, elle fait la gueule, ils se séparent. Un jour, peut-être, se retrouveront-ils, parce qu'ils s'aiment. C'est aussi succinct qu'une poésie de Prévert, aussi banal qu'un café au bar d'en bas.

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On pourrait s'énerver devant la tête de six pieds de long de Stanislas Mehrar (il me fait de plus en plus penser à Dutronc, aussi aimable) mais on ne le fera pas, décidant, de bonne humeur, de retenir les bons côtés de la chose : tout d'abord, la forme est ramassée pour ne pas dire canonique (un tournage d'un autre âge en 35 mm nécessitait-il une certaine "économie" ?) ; il n'y a, de plus, point trop d'atermoiement, de longues chialeries et autres disputes de deux heures où tout le service à café de grand-mère déjà fêlé passe par la fenêtre. Bien aimé notamment le personnage joué par Clotilde Courau qui va à l'essentiel : quand elle rompt, c'est propre comme un coup de scalpel. Quand Stanislas se révèle autant de mauvaise foi qu'un homme peut l'être (il reproche à la Clotilde ses mensonges...), elle lui balance du tac au tac ses quatre vérités : mon fumier de lapin, regarde-toi dans une glace, avant d'oser juger ton prochain. De même, si le film s'avère parfois aussi morne que ses décors peuvent être nus, il y a quelques instants d'une belle luminosité (belle musique originale once again d’Aubert), pour ne pas dire d'une certaine grâce : la rencontre entre Stanislas et sa maîtresse, Elisabeth, ou encore le final où, miracle, Garrel oublie de mettre un fusil à portée de main de ses acteurs (le type serait-il devenu enfin optimiste ? On a presque peine à y croire), clôturant son récit cyclique avec une belle légèreté. Entre-temps on aura appris que le résistant, sur lequel les deux tourtereaux avaient commencé de faire un film, n'en était pas vraiment un : au lieu de se prendre la tête avec tous ces mensonges et cette énorme duperie (belle parabole de leur propre histoire), reprenons le film en révélant simplement la vérité (ou pour conclure la parabole : reprenons le fil de notre histoire puisque l'on s'aime). Ce petit sursaut résolument positif (arrêtons là nos conneries et repartons du bon pied ensemble), teinté d'une fine ironie - "tout ça pour ça" lance une Clotilde un peu amère mais tout à sa joie de constater que les deux célibataires qu'ils sont se retrouvent enfin, nous ferait presque fermer les yeux pour un temps sur tous les éternels poncifs du cinéma d'auteur français (crise amoureuse, pleurs et prise de tête à tous les étages : c'est une chienne de vie, oui, mais la complaisance dans les litres de larmes et les fins suicidaires frôlent parfois le ridicule…). Un Garrel happyendesque qui réconcilierait presque avec son cinéma (une petite pique pour la route, on ne se refait pas...).   (Shang - 02/10/15)

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Shang a aimé un film de Garrel, alleluia au plus haut des cieux. Et en plus, il en parle bien : oui, voilà un des films les plus lumineux de son auteur, qui nous a pourtant souvent habitués à des machins tristes comme des week-ends en Creuse. Non pas tant pour la fin, que je juge pour ma part très déprimante : le couple s'est trompé, s'est foutu sur la gueule, s'est séparé, et faute de mieux se rabiboche in extremis : on sent que ça ne leur prépare pas une vie de tout repos, et on se dit qu'ils avaient bien mieux fait de liquider leurs comptes et de partir chacun de leur côté. En gros, on a l'impression d'un couple mal assorti, comme souvent chez Garrel, et ce rabibochage final, pour moi, est une bien triste nouvelle ; comme si nos deux tourtereaux allaient au plus simple... Non, ce qui m'a semblé beaucoup plus apaisé que d'habitude, c'est la mise en scène elle-même du film. Le montage rapide, qui découpe cette (non-)histoire en petites vignettes vives, donne du peps à la chose, et ajoute une vraie distance à l'intrigue, là où Garrel a d'ordinaire tendance à se rouler dans sa douleur. C'est presque pas sérieux, cette histoire de jeunes gens qui se séparent et se retrouvent, et malgré l'intense mélancolie qui se dégage du film, on sent bien que Garrel prend moins les choses en tragédie qu'avant. Il y a même un aspect presque vaudevillesque dans ces filatures et ces tromperies secrètes, que le gars filme avec une vraie légèreté.

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Irrémédiablement ancré dans le Paris des années 60, dans une certaine vision de la Nouvelle Vague, Garrel offre un film intemporel, où de tout temps les hommes ont trompé les femmes et ont fait la gueule quand les femmes les trompent. Pas vraiment à la gloire de la gent masculine, L'Ombre des Femmes est même un autoportrait assez masochiste en mec veule, chargeant subtilement Mehrar (super crédible, tout comme Coureau d'ailleurs) de prendre en charge le portrait, chose qu'il confie d'habitude à son fils. Voilà en tout cas ce que j'appelle un film féministe, sans vouloir réveiller un débat jamais éteint sur Shangols. Dévoué aux femmes, fustigeant les hommes en tant qu'usurpateurs ou égoïstes, il développe un portrait magnifique de son actrice principale : Garrel sait depuis toujours filmer les femmes, et offre à Coureau un écrin de beauté, noir et blanc soyeux, musique mélancolique (dont le côté répétitif est employé génialement, les notes s'emmêlant dans les dialogues avec finesse), dont Mehrar ne serait que "l'ombre" du titre. Bon, encore une fois, un modèle de sensibilité, de douleur et de beauté triste, cette fois magnifiée par l'ironie et l'évident bonheur de filmer. Superbe.   (Gols - 21/12/15)

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 Tout Garrel,

Commentaires
L
Beau commentaire de Gols sur l'Ombre des femmes; j'ajouterai simplement que Clotilde Courau n'est pas bien difficile à filmer, elle a tant d'esprit, est si rayonnante. Elle est venue à Strasbourg quelques jours après la sortie du Garrel pour lire, très élégante, en petite robe noire, accompagnée par l'accordéon de Lionel Suarez, des extraits des "Fragments d'un discours amoureux" de Barthes. Elle était bluffante de drôlerie, d'émotion, de sensibilité, de douleur aussi. Le public strasbourgeois qui n'est pas réputé pour sa mansuétude, était scotché. Très belle femme et grande comédienne, pleine de subtilité. Bonnes fêtes, les gars!
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