Crazy Day (I wanna hold your Hand) de Robert Zemeckis - 1978
Quelques années après la séparation des Beatles, Zemeckis revient sur la folie des fans de la grande époque, à travers un teen-movie survolté. Même si on reconnait au compère un savoir-faire indéniable pour ce qui est de fabriquer de l'entertainment fun dans les années 80, on ne peut nier qu'il soit souvent bien lourdaud dans son écriture et dans sa vision des personnages. C'est le cas ici : en voulant réaliser une comédie pêchue et hystérique, il est obligé de laisser tomber tout ce qui pourrait ressembler à de la finesse. I wanna hold your Hand est un gros bulldozer qui écrase tout sur son passage, entièrement voué à la mécanique de plus en plus folle qui le mène ; à sa suite l'herbe ne repousse pas, et il a également écrabouillé pas mal de choses qui font que le film est très creux, très dingue et pas super intéressant.
On suit la soirée d'une poignée de jeunes gens fans des Beatles, qui veulent profiter du passage du groupe dans un show télévisé pour envahir leur chambre d'hôtel et leur déclarer leur flamme. Il y a la fan compulsive, qui connait tout par coeur (et surtout les histoires de cul de Paul) ; il y a la jeune fiancée qui s'offre une dernière virée entre copines avant d'épouser un bellâtre ; il y a la frigide qui les accompagne uniquement pour condamner le sex-appeal de ces messieurs ; et il y a un ou deux garçons qui tentent de profiter de l'occasion pour extorquer un baiser ou faire les malins. Toute cette bande va rivaliser de coups de jarnac pour atteindre leur but : la chambre des Fab Four, noyau de leur sexualité naissante et source de leurs cris d'oies.
Le moins qu'on puisse dire c'est que Zemeckis aime ses jeunes acteurs, et tient absolument à les suivre en épousant leur rythme frénétique. Le film est sur-vitaminé, d'autant que la complexité de sa construction pourrait être un handicap à cette énergie. Les personnages sont peu à peu séparés les uns des autres, et Zemeckis doit mener de front cinq ou six intrigues à l'intérieur de la principale. Il réussit ça brillamment : son montage est au taquet, on sait toujours où on en est, où sont les personnages dans leur progression, et le rythme incroyable de l'ensemble ne se fait jamais au détriment de la clarté du scénario. C'est assez fort de tenir ainsi, sur deux heures, une atmosphère aussi échevelée. On dirait un cartoon de Tex Avery (il y a déjà du Roger Rabbit dans ce tempo incroyable) ou une séquence des Marx Brothers étirée en long métrage. Si le film a bien une qualité, c'est celle de rendre aussi lisible les évènements au sein d'une telle hystérie, de trame, de personnages, de lieux et d'intrigues. Il est entièrement voué au fun, au divertissement : coloré, musical (on entend moult chansons des Beatles), rempli de gags et de coups de théâtre, il n'est visiblement destiné qu'au plaisir du spectateur, ce qui peut suffire à le regarder avec bienveillance.
Sauf que, pour tout le reste, c'est assez mauvais. Les gags, portés par des acteurs grimaçants, sont piètres. A l'image de Eddie Deezen, poupée gesticulante qui en devient presque effrayante, le casting se contente de surjouer chaque situation ; certes, ce sont des foldingues qui ne pensent qu'aux Beatles, mais on aurait aimé que la charge soit un peu moins lourde. Comme pour le seul personnage un peu intéressant du bazar, joué par Nancy Allen : elle porte un peu plus de complexité, perdue entre sa jeunesse (les copines, la musique) et son futur guère reluisant (épouser le beau gosse fade). A part elle, les autres sont des pantins, et c'est bien dommage. La mécanique en mouvement perpétuel finit par fatiguer puisqu'elle n'est pas portée par un propos ou par des personnages, et on termine le bazar en se disant qu'on a là un film amusant mais oubliable. Let it be. (Gols - 16/09/15)
La collection Criterion rendant prochainement hommage, après Gols, à ce film sur la beatlemania, je m'y penchai aussi. Au niveau des scènes collectives d'hystérie (sympa ce gag systématique : dès qu'apparaît une moumoute ou même un plumeau à une fenêtre de l'hôtel, toutes les gonzesses hurlent et s'évanouissent : les Beatles, c'est des cheveux avant la musique) ou des scènes individuelles (petite séquence "sensuelle" (et un rien vulgaire ?... rah... la scène où elle se recouvre le visage des cheveux de son idole est pour le coup plus cracra) lorsque Nancy Allen fait l'amour à une guitare (ce qui a touché la corde sensible de nos commentateurs apparemment)... on frôle (...) également la scène masturbatoire lorsqu'elle découvre les Beatles sur scène : deux scènes "osées" (pour le puritanisme ricain) dans un film qui reste malheureusement très sage en ce domaine), Zemeckis se fait quelques menus plaisirs : orgasme en groupe ou en solo, les Beatles c'est que du bonheur. Après, je suis relativement d'accord avec la petite analyse de Gols ; le cinéaste se révèle plus à l'aise au niveau narratif (toutes ces histoires éclatées qui finissent par s'enchevétrer) qu'au niveau de la construction des personnages et des gags ; on se désintéresse très vite de ces ados qui ont la profondeur d'un tiroir de poupée. Certes la gâte "frigide", après un épisode, littéralement, de coup de foudre, se verra obligée d'échanger un baiser avec son amoureux en rut mais c'est franchement un peu faible, pour ne pas dire terne, en terme d'evocation d"éducation sentimentale. Zemeckis est dans l'abattement, l'efficacité à tout crin, possède une certaine folie, une certaine drolerie (un peu datée... il fait plus preuve de rythme que d'humour finaud) mais faillit totalement lorsqu'il s'agit de dire deux mots du phénomène d'idolatrie adolescente ou de psychologie inhérente à cet âge - aveuglé que l'on est, non pas par amour mais par ses effluves. Un savoir-faire indéniable du Robert (putain, je prends pas de risque quarante ans après eheh) mais une oeuvre en effet un peu trop superficielle pour réellement marquer son temps. Yesterday... (Shang - 16/12/18)