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20 août 2015

LIVRE : Crash-test de Claro - 2015

crashLes livres de Claro sont toujours plus ou moins renversants, sachant qu'il alterne habilement les fantaisies mineures et les amples projets. Crash-test fait partie de cette dernière catégorie, et constitue sûrement le meilleur livre du bougre à ce jour. Lâchant enfin la bride à la pure ambition formelle, il est débarrassé de la dérision un peu encombrante qui rendait même ses grands livres passés (Tous les Diamants du ciel) un peu bancals. Pas d'humour ici, mais libre cours est donnée à une vision glacée d'une humanité qui se robotise et des corps qui se marchandisent. On pense bien sûr immédiatement à Ballard, à cause du scénario : on suit, tressés l'un dans l'autre, trois pans de vie ; celle d'un gars engagé pour faire des crash-tests, donc, et auquel on fournit de vrais cadavres pour calculer les impacts des chocs ; celle d'une strip-teaseuse en plein doute, fascinée par le destin chaotique de Linda Lovelace, l'actrice de Gorge profonde ; et celle d'un geek accumulant les visions hébétées de pornos sur son écran. Il est question d'une sorte de mélange entre chocs mécaniques et sexe, et Claro comme Ballard excelle à lier en un seul flot sexué les peaux, la ferraille, les fantasmes, la violence urbaine, l'obsession sexuelle, la mort et l'explosion des corps. Sujet insaisissable, presque apocalyptique (alors que ces histoires se déroulent dans les années 70) dont Claro ne livre pas toutes les clés : il fait légèrement déborder le destin de l'un sur celui de l'autre, comme si ces trois solitudes étaient liées par un pacte secret (qu'on appellera "Le Corps Supplicié", disons) ; mais le sens de cette association reste à la discrétion du lecteur. Ballard est donc aussi dans l'atmosphère du roman : une violence sourde imprègne tout le livre, celle des voitures qui écrasent les corps déjà morts, celle de ce corps érotisé jeté en pâture à la consommation de masse, celle qu'a subie Lovelace à la merci de son mari-maquereau, celle généralement d'une humanité abandonnée à la fascination du sexe et de la brutalité. Un roman de SF, finalement, prophétique et dystopique, mais qui se passerait il y a 40 ans.

Si le fond est déjà impressionnant, la forme laisse carrément hagard. Sans jamais tomber dans le gadget ou le procédé de petit malin, Claro se livre entièrement à la musicalité des mots et des formes. Il fait claquer les assonances et les allitérations, écrit des paragraphes entiers sous la contrainte d'une seule lettre, invente de nouveaux signes de ponctuation (le fameux ":::" qui rythme les phrases, grande trouvaille qui laisse attendre la suite en habillant le silence : oui, Claro réussit à écrire le silence avec un signe de ponctuation), alterne façon jongleur entre narration et poésie pure : la page, formellement, est envisagée comme un tout, le regard doit être satisfait autant que l'esprit, et il y a dans le livre quantité de calligrammes et de dispositions purement esthétiques des mots dans la page, qui en font un objet expérimental qui dépasse son sujet et même son style. Tout semble pertinent, et tout saute aux yeux avec une force impressionnante. Le livre agacera sûrement certains, c'est la marque des grands expérimentateurs ; moi, il me laisse pantois et admiratif.

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