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27 juin 2015

Le Monde du Silence de Jacques-Yves Cousteau & Louis Malle - 1956

original

Vous vous souvenez du brave commandant Cousteau qui animât vos mercredis après-midi, le cul posé sur votre pouf rouge et croquant des Pepito en regardant les merveilles de dame nature ? Eh bien, oubliez ça : Cousteau, c'est l'Attila de l'océan, là où il passe la mer ne repousse plus. En tout cas, à revoir aujourd'hui Le Monde du Silence, on est effaré par la façon dont le bougre au bonnet rouge aborde son étude des fonds marins : en conquérant ethnocentré, il pulvérise du poisson, déchiquette du bébé animal, saccage de la flore et asphyxie de la tortue avec une joie de chaque instant, en n'oubliant pas au passage d'être condescendant vis-à-vis de la population indigène et peu regardant sur la morale du montage. Louis Malle a filmé tout ça, et on imagine ce délicat cinéaste le coeur au bord des lèvres de devoir regarder ce massacre en bonne et due forme.

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Ca commence par une explosion à la dynamite. "Le seul moyen d'observer les poissons est de les dynamiter d'un coup (ah ?). C'est pourquoi nos courageux marins vont te les pulvériser joyeusement." Baoum, et le compère de conclure tristement en filmant les cadavres : "sous la surface c'est la tragédie". On commence à trembler et à se dire que l'affichage scientifique de l'odyssée de la Calipso prend des airs un peu gore. On ira ainsi d'horreurs en horreurs : on s'accroche à une tortue parce que c'est fun, en précisant "Normalement les tortues doivent remonter à la surface, mais l'effort de celle-ci sera trop dur..." ; ça se poursuit avec l'éventrement d'un poisson-globe qu'on regarde lentement se vider de son eau ; puis on fait habilement ("malheureusement", déplore la voix off) passer un bébé cachalot sous le bateau pour qu'il soit bêtement déchiqueté par les hélices et attire les requins qu'on voulait filmer ; on pique-nique tranquillement, son gros cul posé sur des tortues centenaires terrifiées ; puis on agace un mérou, surnommé affectueusement Jojo, avant de l'enfermer dans une cage "car il devient vraiment affectueux". Le point culminant, c'est le massacre des requins, un véritable génocide gratuit difficilement regardable, que Cousteau justifie sans vergogne : "Les requins sont depuis toujours les ennemis des marins (ah?). C'est pourquoi nos courageux hommes s'arment de gourdins et de harpons pour les dézinguer façon Terminator". Quand on pense que Cousteau a représenté le scientifique écolo par excellence, on est consterné : à côté, Captain Igloo c'est Nicolas Hulot. On continue d'être bouche bée quand les gusses rencontrent un indigène, qu'ils doublent en petit nègre : "Missié blanc aime beaucoup to'tue, elle cou'ir sur sable, hihihi", on dirait Tintin au Congo. Comme le petit belge, Cousteau considère que le monde est à lui, qu'il importe moins de le regarder que de le dominer : ethnocentrique, violent, suffisant, crétin, le film est à l'image du positionnement de l'homme face à la nature qui a été en vogue pendant de nombreuses années.

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Moralement donc, un film complètement dégueulasse. Formellement, c'est mieux. Non seulement parce que l'aspect "hommes entre eux" conduit à une lecture crypto-gay : il y a quelque chose de mystérieux dans la façon qu'a Malle de filmer ces hommes torses nus, silencieux (ou très mal doublés) qui ne semblent exister que pour se livrer à des expériences violentes et risquées. Le féminin, que ce soit dans les personnages ou même dans la façon d'aborder la nature, est absent du film, ce qui lui donne cet aspect brutal, d'ailleurs. Pourtant, Malle sait aussi, dans les quelques scènes plus apaisées, faire preuve d'une belle sensibilité, surtout compte tenu des difficultés de tournage. La scène d'ouverture, par exemple, qui montre quelques plongeurs disparaître torche au poing dans l'obscurité des fonds puis les retrouve "de l'autre côté" quelques secondes plus tard ; ou la longue séquence d'exploration d'une épave, véritable séquence hantée aux formes très harmonieuses ; ou enfin la manière de montrer les appareils techniques (scooter sous-marin (!), petit poste d'observation immergé, cabine de pilotage), tout ça montre un cinéaste qui sait attraper la poésie là où elle est. Le scénario brosse de petites saynètes parfaitement ineptes de discussions entre marins ("allez hop, au sas de décompression, vieux  gredin !"), très mal jouées et montées à l'arrache, mais Malle les montre effectivement dans leur fausseté même, c'est assez drôle. De toute façon, niveau montage, le film est peu regardant : on peut monter ensemble des plans complètement disparates, filmés dans des temps très éloignés, et faire croire à la continuité, ou rejouer des scènes visiblement répétées, on s'en fout. Autant dire qu'un tel film n'aurait aucune chance de sortir aujourd'hui, à moins de déclencher la bronca des écolos modernes et des spécialistes du doc. C'est en tout cas une idole de mon enfance qui s'écroule, je vais attendre avant de revoir un vieux Goldorak.

-6

Quand Cannes,

Commentaires
B
Voila qu'on approche de l'affaire d'etat, si je puis me permettre ce lien : http://www.slate.fr/story/103933/commandant-cousteau-poissons
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S
Ah ! Eh bien vous, Bonnet d'âne, seriez sans doute à même de m'en dire un peu plus sur la nature des chlamydophores tronqués... depuis le temps que je me tire les vers du tasseau.
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D
Si, au lieu de tonton, on dit "Papy" Jacques-Yves (avec P maj, 'tention), est-ce qu'on aura l'imprimatur ? <br /> <br /> Sacré bas bleu, l'ami Bonnet rouge, n'est-il pas.
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G
Alors : la scène du sas de décompression, venons-y. Ce que je reproche à la scène, c'est son côté badin. Cousteau et ses joyeux lurons rejouent la scène, de façon assez pauvre d'ailleurs, comme s'ils faisaient une bonne blague au gars enfermé dans son caisson... et ils oublient de faire la même chose au collègue qui vient juste derrière, qui ne respecte pas du tout ces consignes de sécurité et va se goinfrer de langoustes sitôt sorti du bain. Scientifiquement, je ne suis pas spécialiste, mais vous avouerez que...<br /> <br /> L'aspect scientifiquement novateur du film est évident, bien sûr que ça a dû être un challenge incroyable etc. Mais j'ai tendance à ne juger que ce que j'ai devant les yeux. Je ne me renseigne jamais sur un film, je ne lis jamais les critiques. Je prends la chose telle quelle, convaincu qu'une oeuvre doit être apprécié en-dehors de toute référence. Qu'est-ce qu'on me donne à voir, aujourd'hui ?<br /> <br /> Ceci dit, je sais bien qu'il faut replacer l'écologisme de Cousteau dans le contexte de ces années 50 où les animaux, la nature, la Terre elle-même étaient considérés comme appartenant à l'homme. Je comprends très bien ce que vous dites sur l'évolution des mentalités, et même sur l'utilité de tels films pour comprendre en quoi nous avons évolué en 60 ans. Je trouve ça pas forcément pertinent, mais je comprends. Je n'ai fait que décrire ce que je voyais : un massacre en bonne et due forme. Et puis, quoi qu'on en dise, certains pionniers de l'écologie avaient déjà compris, bien avant Cousteau, en quoi il fallait protéger la nature, et ont dû être outrés par le film. Cousteau a une sorte de posture disneyenne par rapport aux bêtes : elles doivent servir à l'émerveillement du spectateur, même si pour cela on doit les faire souffrir. Regardez Le Sang des Bêtes de Franju (1949) : deux façons opposées d'aborder le documentaire.<br /> <br /> Enfin, même au niveau de la grammaire du doc, j'ai des choses à reprocher à Cousteau/Malle : notamment le montage en une seule séquence de plans épars, la reconstitution. Là aussi, je sais, le doc a fait des progrès en 60 ans, sa morale a changé, mais même. Il y a quelque chose de douteux dans la façon qu'a Le Monde du Silence de nous raconter la belle histoire de tonton Jacques-Yves, quitte à réinventer la réalité. Finalement, ce n'est pas un documentaire. Mais il pose de vraies questions éthiques, ce qui justifie entièrement sa vision.<br /> <br /> Merci en tout cas, d'avoir pris le temps, Bonnet, de rédiger ce texte intéressant. Voyez qu'on peut discuter sans s'envoyer des noms d'oiseaux !<br /> <br /> A bientôt !<br /> <br /> PS : Oui, pardon pour la faute, je corrige.
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G
Paris vu par... <br /> <br /> <br /> <br /> Un petit poisson frétillant - bien que largement quadra, et suant sous les 40° à l'ombre- à la terrasse de la Cigale Récamier, rue de Sèvres. En compagnie d'un poisson plus âgé et sans doute important, mais je ne connais pas tout le monde...<br /> <br /> Devinette : Il porte le patronyme de son papa (lequel a tourné avec un canari). Sa mère fut comédienne au cinéma pendant, oh, une ch'tite décennie environ.<br /> <br /> Kik c'est ?
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