La Fille sur la Balançoire (The Girl in the red Velvet Swing) (1956) de Richard Fleischer
Joan Collins est une fille coupée en deux (Chabrol, quand tu nous tiens) entre un sugar daddy marié qu'elle aime avec son ptit coeur de poupée de porcelaine et un jeune beau richissime qui n'a d'yeux que pour elle - mais qu'elle n’aime guère. Seulement voilà, le premier, Ray Milland (49 ans au compteur mais 60 au teint), grand architecte, ne peut se résoudre à tout laisser tomber pour cette poupée de son ; quant au second, Farley Granger (un brin adipeux, la lèvre méprisante et jaloux comme une teigne), il ne peut supporter d'avoir cet éternel concurrent. Tout cela sent la poudre, la tragédie, le procès à scandale et le malheur, bonne mère... Si on pourrait reprocher à l'ami Fleischer de nous servir les morceaux musicaux les plus affreux du monde (regardez-moi ce merveilleux mariage de couleurs ! J'espère que le gars est daltonien, sinon c'est prison à vie), le gars Richard est relativement doué pour nous faire passer la douce pilule des sentiments. Ray Milland et son teint jaune marchent sur des oeufs, il ne sait que trop que c'est mal de céder à l'appel roucoulant de cette blanche colombe qui tire sur l'oie, mais on finit par croire à leurs battements du cœur, à leur gentil amour romantique à souhait. Il y a la fameuse scène de la balançoire (ceux qui nous suivent depuis 9 ans savent à quel point j'ai un faible pour les histoires à balançoire) avec ce merveilleux élan donné par Ray pour que la Collins rejoigne la lune (bien avant un autre...) et toutes ces petites séquences où les amoureux, cachés, échangent des baisers, où les amoureux, séparés, tombent dans le tourment... Mais parce qu'il était trop vieux, parce qu'elle était trop belle, rien ne peut se faire. Le jeune beau fera sa cour, remportera le morceau, et l'histoire ira à vau l'eau.
Milton Krasner fait péter la couleur Deluxe, Leigh Harline fait péter les violons et Fleischer nous embarque dans ces décors chargés comme une mule avec une réelle virtuosité. On frôle parfois le kitsch, mes amis (les numéros musicaux, disais-je) mais on se laisse séduire volontiers par cette mise en scène fastueuse qui rend à merveille ces sentiments amoureux exacerbés. Jusqu'à ce que les feux de l'amour retombent platement... La messe amoureuse est dite, la Joan tombe malade, le mariage la surprend dans son aveuglement sentimental, c'est le coup de feu, le procès (la mise en scène se fait plus plate, plus terre à terre), et les basses manœuvres humaines reprennent leur droit. Un Fleischer qui ne manque pas d'éclat (sans jamais atteindre les sphères d'un Sirk ou d'un Minnelli, sachons rester raisonnable) et qui donne volontiers envie de se refaire pour la route une petite scène de balançoire virevoltante (bon, je rassure Gols, je ne le regarderai pas non plus deux fois suite pour faire deux chroniques différentes...).