Un Conte de Michel de Montaigne de Jean-Marie Straub - 2012
Vous aimez Montaigne ? Pas de panique, Jean-Marie Straub se charge d'inverser la tendance et de le faire entendre comme l'auteur d'une langue absconse et incompréhensible. Voici donc un des films les plus inregardables de son auteur, et Dieu sait pourtant que ce n'est pas le premier. Inregardable d'abord parce qu'il est en grande partie constitué d'un écran noir ; quand l'image revient, c'est pour nous montrer la statue de bronze de Montaigne dans un parc, sous différents angles, ou, enfin un peu de vie, l'image d'une comédienne en pleine lecture de ce "conte", épelant comme d'hab le texte comme s'il s'agissait d'une mélopée venue d'une autre planète, d'un dialecte vaudou ou d'un idiome extraterrestre, en tout cas jamais de langue française. Pour un auteur d'une écriture si brillante, ça fait quand même un peu saigner les oreilles (en même temps que les yeux, donc). Straub a choisi un texte de Montaigne qui raconte les souffrances du sieur après un accident, cloué qu'il est dans son lit et en proie aux douleurs morales et physiques les plus aigues. Texte franchement d'un intérêt discutable, mais que le brave JMS se met en tête de nous faire entendre dans la longueur (33 minutes, chez Straub, c'est très long), se disant que la langue seule du maître suffira à habiller l'image fixe de la statue, qui n'a besoin de rien d'autre (un peu de musique ou une comédienne figée comme un lapin dans les phares ne pouvant être considérées comme des évènements significatifs). Ça ne suffit pas : on se fait chier comme un rat mort, perdant sans arrêt le fil de ce récit embrouillé à l'envi, affligé devant l'aridité de plus en plus poussée du cinéma de Straub, mais avec, reconnaissons-le, l'envie de relire Montaigne histoire d'entendre un peu mieux les rythmes de son style et la beauté de son vocabulaire. C'est déjà ça de pris ; au niveau cinéma, il faut bien le reconnaître, à force de tendre vers le zéro, Straub met les deux pieds dedans. La réponse est non, mais quelle est la question ?
Tout Straub et tout Huillet, ô douleur : cliquez