Maria Candelaria (María Candelaria (Xochimilco)) (1944) de Emilio Fernández
En manque de types moustachus, enchapeautés, machos et jaloux comme la teigne ? Allez faire un ptit tour du côté de ce film mexicain avec la plantureuse et malheureuse Dolores Del Rio. La belle se retrouve au cœur de ce mélodrame sentimental qui ravira les amateurs de clair de lune, de petits gorets et d’anophèles. Si « l’indigène » Maria fut bénie des Dieux au niveau de la beauté, elle n’est pas, en revanche, née sous une bonne étoile. Pâtissant de la réputation de sa mère (meurtrière de son propre mari), la belle Maria se retrouve exclue de sa propre communauté. Elle ne peut donc faire le commerce de fleurs (elle vit au milieu de véritables jardins fleuris sur l’eau) et s’attire, qui plus est, l’ire d’un commerçant mexicain plus caricaturale que mon incipit : elle se refuse à lui, car elle aime le doux José, le seul au sein de sa communauté à la prendre sous son aile. Leur projet d’avenir tient dans le devenir de leur petit goret : quand il sera grand et aura des nenfants, ils pourront revendre les petits et avoir suffisamment d’argent pour se marier. Mais le sort, bien entendu, s’acharne contre notre mignon petit couple : Maria a des dettes chez le commerçant et celui-ci ne s’attend qu’à un remboursement en nature - si ce n’est elle, ce sera le ptit cochon. Comme un malheur n’arrive jamais seul, le palud frappe de plein fouet l’amie Maria. L’idylle vire au cauchemar…
Quelques séquences empreintes d’une douce magie - ces ballades en pirogue chargée de fleurs sous la lune mexicaine - et quelques scènes locales piquantes - la bénédiction des animaux (veaux, vaches, cochons, canards, huîtres…) à l’église ; le docteur et la guérisseuse qui s’allient pour soigner Maria -, donnent un certain charme à cette simple histoire. Maria se retrouve doublement marginalisée (en tant qu’indigène et en étant rejetée par les siens), est victime de toutes les infamies (de la piqure d’un moustique au meurtre de son goret) ; heureusement, elle tente toujours de croire en son avenir auprès du doux José. Seulement, comme annoncé au départ de cette histoire flash-backisée, on se dirige tout droit vers une tragédie. Maria se relève une fois, deux fois mais devra boire la coupe jusqu’à la lie. Le final est sûrement ce qu’il y a de plus intéressant dans la chose : la belle Maria Candelaria est littéralement frankeinsteinisée. Elle se retrouve tout d’abord au centre d’un scandale « monstrueux » (un peintre a peint le visage de la belle, mais comme cette adoratrice de la sainte-vierge n’a point voulu se dénuder, l’artiste a peint son corps nu en prenant une autre modèle ; les « indigènes », malheureusement, ne cherchent pas la vérité derrière ce montage) et des centaines de gens se retrouvent à ses trousses dans les rues du village pour chasser cette provocatrice. José, emprisonné peu de temps auparavant (il a volé de la quinine, le bougre), assiste impuissant à la scène et se retrouve les mains ensanglantés contre la porte du cachot (on peut y voir un symbole, chez ce pauvre pêcheur…) ; quand il parvient enfin à se libérer, il voit sa douce se faire lapider par une foule démoniaque (il y a énormément de petites pierres dans les rues mexicaines). Un miracle est-il encore possible en ces terres croyantes mais un brin sauvages ? Difficile d’y croire. Une love-story méchamment contrariée par la nature et par celle des hommes, une sorte de fable réaliste (Maria est indéniablement pocahontasisée au début du film avant que la malaria frappe) qui finit en enfer dantesque et shelleysque. Un premier grand prix cannois - parmi d’autres - à redécouvrir.