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7 avril 2015

A propos de Venise de Jean-Marie Straub - 2014

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M'est avis que le père Straub va finir par filmer des écrans noirs. En tout cas, ce cru 2014 joue sur l'annulation de presque tout : plus de figure humaine dans le cadre, plus de mouvements de caméra, plus de variations de plans. C'est du rigorisme poussé à bout, ou presque : un seul cadre, pratiquement. On voit donc pendant 15 minutes un arbre au bord d'un lac, dont l'eau vient lécher le trons, avec parfois, ô miracle, un ou deux canards qui traversent le champ là-bas derrière. Que ça, même si on se rend compte qu'il y a en fait 6 ou 7 enregistrements du même plan à des moments différents de la journée : infimes changements de lumière, très légères "sautes" de film qui constituent à peu près les seuls éléments visuels du film. Certes, on aura droit aussi à un deuxième plan, un autre endroit de la rivière où un arbre penche dans l'eau, mais on ne peut pas dire qu'il amène vraiment un changement. Le motif réel du film : le texte, de Maurice Barrès, énoncé comme d'hab avec une diction mi-hilarante mi-fascinante. Ca parle de Venise, de ses strates de société qui cohabitent et de sa lente décomposition au cours du temps, bon, d'accord. Pour une fois, le texte est plus "audible", peut-être parce que pointe dans la voix de Barbara Ulrich une sorte de véhémence qui n'est pas habituelle chez les Straub : une colère qui perce "malgré tout" dans un film qui ne montre qu'apaisement et calme plat. On ne voit pas trop le rapport entre image et texte (il faut ajouter aussi comme élément important les bruits naturels de l'eau, parfois balancés en concurrence avec la voix), mais on accepte l'expérience, notant une nouvelle fois que le concept est intéressant : une parole dans un lieu, le cinéma tout cru.

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Après ces deux plans très très longs, une très belle image fugitive de Danielle Huillet, comme une rémanence nostalgique, fait le lien avec une dernière séquence : un extrait de Chroniques d'Anna Magdalena Bach, qui semble être l'antithèse de ce qu'on vient de voir. Cadre rempli d'êtres humains, musique, ample mouvement de caméra, de la chair et du sentiment à l'écran. A propos de Venise en est pour sa part à peu près dépourvu, c'est un poil dommage, mais on voit bien que Straub assume : en montant ainsi en regard les deux "étapes" presque contraires de sa carrière, il tente de faire le lien entre hier et aujourd'hui, avec sa Danièle comme clé de voûte, c'est très joli.

Tout Straub et tout Huillet, ô douleur : cliquez

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