Mommy (2014) de Xavier Dolan
Diantre, il aurait sûrement fallu que je mate ladite chose au côté de l’ami Gols sur son canap’. J’en aurais pris pour mon grade, mais il est bon parfois d’avoir une petite leçon d’humilité. Après une première demi-heure totalement hystérique (Dolan ne fait jamais que reprendre les recettes de son premier long-métrage : une mère qui gueule vs un ado (enragé) qui gueule), je l’imagine, l’ami Gols, me faire de petites bourrades amicales dans le dos, pouffer et me lancer des réflexions genre « un chef d’œuvre, mon gars, ton film, un génie, mon gars, ton canadien ». Il se serait alors levé, aurait sorti les petits verres qui vont bien pour faire des shots et m’aurait proposé de boire cul-sec une bonne rasade à chaque nouveau clip du Xavier : « à la santé de Céline Dion, à la santé d’Oasis… » A l’avenant. Lorsque le héros aurait proposé d’entonner vivo per lei, Gols se serait gentiment levé (bon, je dois aller bosser, là) et m’aurait proposé plein de compassion de finir la bouteille - et puis il y en a une autre dans le congelo, hein, t’hésites pas, le film fait 2h18, il te faut des forces pour tenir… Il serait alors parti en jubilant, le salopiot, me laissant l’âme en peine et même pas ivre sur le canap’… Qu’est-ce que je vais bien pouvoir défendre cette fois-ci ?
On connaît la fougue de Dolan, ses dialogues pétaradants, ses personnages bigger than life gonflés à l’oxygène et capables de te sortir un chapelet d’insultes à la seconde, ses situations sentimentales déchirantes (j’ai envie de te tuer mais tu es tout ce que j’aime), ses longs couloirs musicaux sensés porter le film dans les stratosphères de l’émotionnel. Parfois, ça fonctionne - grâce notamment à une direction d’acteurs relativement juste -, parfois on voit tellement les grosses ficelles qu’on ne rentre jamais dans le film : on se gausse certes de ce langage franco-canadien qui montre une nouvelle fois que les limites linguistiques de la francophonie sont sans fin (bravo au gars qui a fait les sous-titres et qui est toujours parvenu, même quand les acteurs parlent en français, à trouver une traduction différente… en français), on peut à la limite se laisser embarquer par un ou deux petits trips/clips joliment façonnés (la partie qui consiste à illustrer l’avenir éventuel du héros… s’il n’avait pas un grain ; on se croirait presque dans le final de Six Feet under, avec la petite musique qui va bien : une parenthèse pleine de douceur qui ne dure point - ce qui intéresse Dolan, au fond, ce sont les cris, les coups, les larmes qui giclent), on peut apprécier le jeu plus en nuances de Suzanne Clément, personnage tampon qui apporte un peu de sérénité entre cette mère et ce fils infernaux, mais avouons qu’on a bien du mal, dans l’ensemble, à rentrer dans cette histoire dont le cadre a les dimensions d’un i-phone : ça s’agite drôlement dans cet écran de la taille d’un bocal, un peu comme si on assistait à une guerre à mort entre poissons rouges (qui recommencent donc sans cesse...)… Du coup, on est vite saoulé par ces rapports familiaux pleins de bruits et de fureur, l’affrontement, les invectives, les coups de sang semblant être les choses les plus cinégéniques du monde pour Dolan. Las, on attend que les minutes défilent, que les larmes coulent (la cuirasse de la mère va bien finir par se craqueler quand même ? Voilà, ça c’est fait, et des larmes et des larmes…) en essayant de deviner quel sera le prochain titre au juke-box. Film très attendu (pour ma part) qui me laissa froid comme une momie.