Sergent York (Sergeant York) (1941) de Howard Hawks
Gary Cooper est notre héros. Comment un simple petit agriculteur du Tennessee, soiffard et paumé, peut devenir l’un des soldats les plus reconnus et célébré de la Grande Guerre ? C’est justement l’histoire de ce Sergent York, un film solide du gars Hawks qui n’a pas à forcer son talent pour conter l’histoire de ce typical american dream guy. Faut dire que notre Gary est en grande forme et que ce rôle de bouseux un peu couillon lui va comme un gant. Il parle et picole comme les petits gars du coin (« he’s a-drinking ») et sa coiffure au bol ne fait rien pour arranger sa dégaine… Il va être touché plusieurs fois par la « grâce : il y a tout d’abord sa rencontre avec la pétillante et très moderne Joan Leslie - première escale sur le chemin de la rédemption. Son petit cœur est touché, fini les escapades et les bastons avec les potes : ce sera par la force de son travail qu’il va la conquérir, lui donner ce qu’elle mérite - et ce malgré les obstacles de cette chienne de vie. Hawks filme magnifiquement son héroïne et l’on est tout autant conquis que le Gary par l’ensorcellement de la miss. Le second grand événement sera un message délivré par le Ciel : alors que le Cooper, torturé par l’esprit de vengeance, s’apprête à commettre un meurtre, la foudre viendra elle-même le rappeler à l’ordre (un second coup de foudre, si on veut faire le malin) ; son fusil explose, son canasson s’effondre dans la boue et le Gary de se rendre immédiatement dans l’église la plus proche. Redemption song. Notre homme, dorénavant amoureux et catholique pacifiste, recevra une troisième révélation : la lecture d’un livre sur l’Histoire des Etats-Unis le persuadera du bienfondé de l’engagement dans la guerre de son pays. On est en 1917, Gary s’envole pour la France et prouvera, sur le front, que le premier grand american sniper, c’est lui.
Hawks aime à rendre cette ambiance profonde du Tennessee (on a tous quelque chose en nous…) avec l’incontournable Walter Brennan en pasteur humaniste qui sait gérer ses ouailles. Il y a aussi la figure de la mère de Gary, Margaret Wycherly , femme forte et digne qui, on le devine n’a jamais eu la partie facile… Travail, famille, patrie, mouais, c’est un peu cela mais traité avec tact par un Hawks qui ne cherche jamais qu’à démontrer que l’on a que ce que l’on mérite - avec des coups de sort qu’il faut savoir gérer. Le Howard sort, dans tous les sens du terme, l’artillerie lourde lors des scènes de combat où notre Gary, plein de bon sens et encore et toujours touché par la grâce (aux innocents, les mains…), excelle à prendre les bonnes décisions. Le final, que l’on voit venir au loin comme un obus de grosse Bertha, parvient malgré tout à toucher : Cooper, en type un peu paumé au départ à qui tout réussit - il a su « interpréter les signes » qu’on lui a envoyé, comme aurait dit le gars Knut Hamsun - réussit à faire passer dans son personnage toute l’humanité et l’émotion du monde pour que cette œuvre, un brin propagandiste, embarque le spectateur sur le chemin de l’empathie : une belle œuvre « humaine » au final où Hawks trouve à chaque la parfaite distance pour filmer ces simples individus. HH is the king of Hollywood, once more.