Brèves Rencontres (Korotkie vstrechi) (1968) de Kira Muratova
Nous prolongeons notre découverte d'un certain cinéma russe avec ce premier film de Kira Muratova. L'œuvre est célébrée pour sa capacité à décrire son époque sans ambages : on découvre ainsi notamment, à travers le personnage de Valya (Muratova herself), les petites magouilles auxquelles sont prêts à se livrer les constructeurs d'ensemble immobilier. Ils n'ont de cesse de tourner autour de cette fonctionnaire du comité de district pour qu'elle donne son accord quant à la viabilité de leur construction (quand bien même l'accès à l'eau au sein du bâtiment semble impossible). Cette femme à poigne ne se laisse point marcher sur les pieds tentant de défendre jusqu'au bout l'intérêt des futurs locataires (même si ces derniers prendraient possession des lieux les yeux fermés). Le second personnage féminin de l'histoire est la charmante Nadia (Nina Ruslanova), jeune fille de la campagne qui vient travailler comme femme de ménage chez Valya. Enfin pour compléter le triangle, il y a un certain Maksim (Vladimir Vysotskyi, un géologue qui aime à chantonner - il est libre, Max) : à l'aide de multiples flashs-back, on va saisir qu'il est le mari de Valya (un mari toujours on the road pour son taff) et qu'il a fricotté avec la chtite Nadia... OhOh.
OhOh, disais-je, mais mouais mouais, ferais-je. On peut apprécier l'habilité de Muratova à simplement filmer un appart (celui de Valya, haut fonctionnaire chez laquelle on remarque le sombre mobilier), un paysage (la belle Nadia au premier plan et cet homme qui descend de la colline au second : du pur Tarkovski avant l'heure) ou à insérer ces nombreux flashs-back beaucoup plus lumineux (comme un passé idéalisé... il y est, il faut le dire, surtout question d'amour) que les images tristounes du présent narratif. On tangue constamment entre ces doux sourires féminins liés à la présence de cet homme (le Max) et cette réalité peu olé-olé de cette zone urbaine en pleine construction. Il y a un certain charme, je ne le nie point, à flotter entre ces deux mondes. Et pourtant, j'ai bien eu de mal, à un quelconque moment, à me laisser prendre dans les rets de ce triangle amoureux bien mollement traité. La faute viendrait-elle de ce personnage masculin sans grande consistance au regard si las et aux chansons si ternes (le type semble vouloir détourner toute discussion en poussant la chansonnette de sa voix grave : un peu comme si Guy Béart ne vous répondait qu'en chantant - on finit forcément par avoir des envies de meurtre de guitare) ? L'erreur serait-elle d'avoir cherché à assembler des petites bribes de vie sans que jamais une séquence ne sorte du lot (aucune scène n'est vraiment transcendante, du coup on peine à décoller - je me suis d'ailleurs salement avachi dans mon siège et j'ai même fini - j'accuse personne mais quand même il faisait froid bordel dans cette salle - par choper la crêve : ma vision du film en a surement pâti, je veux bien le reconnaître sans que l'on ait besoin de me faire subir le supplice du pal). Bref, un film qui a sa place dans l'histoire du cinéma russe mais qui, malgré ce joli thème du triangle amoureux, n'a rien de vraiment enjôleur.