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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
31 janvier 2015

La dernière Chasse (The last Hunt) de Richard Brooks - 1956

"La guerre me l’a appris : plus vous tuez, meilleur vous êtes.
Tuer, combattre, lutter sont des choses naturelles. La paix n’est qu’un repos intermédiaire
."

photo-La-Derniere-chasse-The-Last-Hunt-1955-3

Il faut bien reconnaître que les westerns, en règle général, ne sont pas complètement d'extrême gauche. C'est pourquoi voir arriver Richard Brooks et sa Dernière Chasse, c'est comme recevoir une bouffée d'humanisme, d'indignation et d'intelligence ; complètement emballé par ce film rude et fort, par son fond autant que par sa forme. Car être vibrant d'humanisme ne signifie pas, pour Brooks, être béni oui-oui : son film est brutal, sec, voire même d'une noirceur totale quand il s'agit de décrire l'avidité des hommes, leurs rapports aux bêtes, aux minorités, et aux femmes. Il utilise les clichés du western (virilité exacerbée, violence sans scrupule, nature déifiée) pour les retourner un par un et fabriquer une sorte d'anti-western, où les hommes-les-vrais sont les plus sensibles, où tuer devient un acte culpabilisant. Pas anodin, quand même.

photo-La-Derniere-chasse-The-Last-Hunt-1955-2

La chasse du titre, c'est celle des derniers bisons qui peuplent encore les plaines du Dakota. A mon (extrême) droite, un tueur sans vergogne, Gilson (Robert Taylor), raciste, machiste, fascisant, violent, sanguinaire ; à ma gauche, son opposé (il faut bien une petite dose de manichéisme), McKenzie (Stewart Granger), chasseur lui aussi mais qui commence à ployer sous le poids de tout le sang versé, d'autant que le cheptel de bisons s'épuise, et que notre homme se rend bien compte qu'ils sont en train de faire disparaître l'espèce. Et avec les bisons, les Indiens : la chasse en question est aussi une chasse aux hommes, par extension, et c'est là que le film prend une puissante ampleur. Car en plus d'être littéralement "hanté" par l'exécution en masse des bisons, Gilson est un atavique raciste qui considère les Indiens comme des animaux, et les fusille sans tiquer. Autant dire que les relations avec l'humaniste McKenzie ne vont pas être de tout repos, surtout quand s'y ajoute une fatale squaw convoitée par les deux hommes (l'un par véritable amour, l'autre par un trouble sentiment de domination et de désir).

critique-la-derniere-chasse6

Complexité des sentiments, véracité du contexte, beauté des images, il y a tout ce qu'on aime dans La dernière Chasse. Le film est brutal et sans concession : Brooks utilise des images réelles d'éxécution de bisons (officiellement agréée pour contrôler l'espèce) et les mèle habilement à ses images à lui, créant d'entrée de jeu un troublant réalisme. On ne rigole pas : les bêtes qui meurent meurent vraiment. Aussi, quand Gilson se met à détruire à la pelle les Indiens, dans un génocide filmé dans toute se froideur, on tremble. Rarement eu l'impression de voir la mort aussi bien rendue. Le film tiendra ce fil violent jusqu'au bout du bout : des énormes coups reçus par un jeune Indien qu'on traîne dans la boue jusqu'à la mort brutale de l'un de nos héros sur fond de neige, c'est sans aucune concession que Brooks raconte cette sorte d'épopée de la violence américaine concentrée sur quelques personnages. Le film est fermé de tous les côtés, tous les rapports humains se résument à la haine, la rivalité, la domination. C'est presque dans les rapports avec la femme que le constat est le plus amer : si McKenzie semble avoir des visées plutôt honnête avec cette jeune squaw, Gilson, encore lui, la regarde avec une sorte d'incompréhension mélée de violence : il veut être aimé, et ne comprend pas qu'il ne le soit pas. L'image de l'impuissant est d'ailleurs filée magnifiquement dans la scène centrale de massacre des bisons, filmée comme un acte de jouissance pour le gars (il faut le voir caresser son fusil fumant, et achever les bêtes avec une excitation fascinée)

photo-La-Derniere-chasse-The-Last-Hunt-1955-1

Taylor est brillantissime dans ce rôle hautement détestable, d'une subtilité extraordinaire pour décrire les méandres intérieurs de son personnage. Un poil trop lisse, trop pur et héroïque, Stewart Granger a un personnage beaucoup moins intéressant à défendre, et c'est dommage. Mais il a quand même droit à sa séquence ambigue, une soulerie dans un saloon où ses bas instincts de mec se réveillent. Et ce qui est le plus touchant, finalement, c'est de reconnaître une lueur de remords dans les yeux de Taylor, et une lueur d'échec dans ceux de Granger : ce dernier n'est peut-être pas si glorieux, qui a participé lui-même au massacre des bisons, qui fait très peu pour soustraire la belle aux griffes du démon, et qui se retrouvera définitivement loser sur la fin (son duel tant attendu n'aura jamais lieu, et la end est loin d'être happy). En tout cas, touchant lui aussi, on peut le voir verser des larmes devant les bisons qu'il décime malgré lui. Brooks place ces personnages noirs et maléfiques au sein d'une nature idyllique, rendue encore plus dangereuse et sulfureuse. On y tue des hommes et des bêtes en plein soleil, tranquillement, dans une sorte de critique noire de l'Amérique des grands paysages et des valeurs pures, c'est splendide. Un chef-d'oeuvre, quoi...

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Go to the Mid-West

Commentaires
B
Le coup du film d'extrême gauche parce que François Ruffin en est le héros, franchement, on voit que ça fait longtemps que vous l'avez pas écouté... https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/cb/Stewart_Granger_in_Young_Bess_trailer.jpg
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N
À te lire, Cecil Marx, l'extrême-gauche serait forcément synonyme de bénédiction... eh beh, on aura tout lu en ces labours shangoliens ! <br /> <br /> En tout cas, nonobstant ses inclinations gaucho, Brooks est un sacré cinéaste. Les Professionnels c'est la crème de la crème question film d'aventures baroudeuses: pas ianch comme les 12 Salopards, pas mignon comme Les 7 Mercenaires, pas plan-plan comme La Grande Evasion... mais classe, vif, frénétique, bourré de bonnes scènes, de bons mots, de trognes pas possibles (Marvin, Palance, Brute l'Encastré, Bob Ryan, Strode, Bellamy,.. quel cast mes aïeux !) et où la ragazza Cardinale rendrait vaillant n'importe quel eunuque ! Une certaine idée de la perfection selon La Boulange.<br /> <br /> La Dernière Chasse, par contre... Dio mio, que c'est ennuyeux. J'ai piqué du nez 253 fois.
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C
Aucune chance d'attraper un virus : c'est extrêmement rare dans un fichier vidéo et ce site est très sûr (j'ai téléchargé une bonne centaine de films sur ce site et ouvert les fichiers sans problème). Je prie tout le monde de regarder la liste des metteurs en scène à droite et d'écarquiller les yeux devant la richesse et les raretés !!<br /> <br /> <br /> <br /> Ca ne va pas faire rappliquer le FBI non plus. La liste des films dont le téléchargement est surveillé est tenue secrète (par le gouvernement français) mais un haut fonctionnaire l'a dit : pour attraper le plus de poissons, il faut un grand filet... c'est-à-dire des films très connus. Les cinéphiles peuvent dormir tranquilles.<br /> <br /> <br /> <br /> Ce qui va faire rappliquer le FBI, c'est que je les ai prévenus. Tu ne les entends pas dans l'escalier ?<br /> <br /> Tout ne vient pas de moi, mais voici :<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Dear Sir,<br /> <br /> <br /> <br /> I feel I must put to your knowledge some very unpleasant facts. Mrs F., of Paris (France), is at the moment plotting the illegal downloading of an 1952 American film. I hope you will take action quickly, though it was from a director who probably didn't think much of your old and respectable agency.<br /> <br /> <br /> <br /> You will thus put an end to a tiresome disparaging of the work of Mr. John Huston and Mr. Woody Allen (to whom I also wrote), but I fear you may not care very much.<br /> <br /> So it'll interest you to know she's sure to be a Commie.<br /> <br /> <br /> <br /> Yours sincerely,<br /> <br /> <br /> <br /> Colonel Bassington-Stokes (Mrs.)
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C
Pour "Bas les masques", tu peux enregistrer les deux fichiers sur cette page :<br /> <br /> http://hawkmenblues.blogspot.fr/2012/01/deadline-usa-richard-brooks-1952.html<br /> <br /> <br /> <br /> Une fois que c'est fait : clic droit sur un des deux fichiers, choisir 7-zip (ou un nom ressemblant), choisir extraire ici, mot de passe HmB79.
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N
... et en plus, il est pas mal de sa personne.<br /> <br /> En tout cas plus agréable à voir qu'Anna Magnani (mais qui ne l'est pas?). <br /> <br /> Je rêve de mettre la main sur Deadline USA... Pas revu ça depuis 70 ans. <br /> <br /> Quelqu'un a lu son roman "Le Producteur" ? Trouvé ça un jour chez un bouquiniste, en Marabout. Petite chose sympathique. Meilleur scénariste que romancier toutefois. <br /> <br /> Mais sur ce plan-là, il reste tout de même meilleur qu'un Fuller. <br /> <br /> C'est marrant, ces romans de réalisateurs ! (of course, souvent des films qui ne se sont pas faits). Celui de Walsh, La Colère des justes est , du lot, celui que j'ai préféré.
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