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10 décembre 2022

Scarface (1932) de Howard Hawks

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Que dire sinon que l'on est dans l'incontournable film d'anthologie, une œuvre qui ne prendra jamais une ride - à peine une légère cicatrice. Ce motif, cette croix qui raye le visage de Paul Muni (minutieux méchant), est génialement déclinée tout au long du film par Hawks : elle apparait à l'aune d'un massacre de Scarface ou juste après, elle va jusqu'à s'inscrire sur le dos de sa sœur - celle qu'il aime plus que tout, celle qui forcément causera sa perte, sa chute... Les quelques photogrammes qui émaillent cette chronique sont un petit clin d'œil au bel ouvrage de Hawks qui fait feu de tout bois (de croisillons) pour placer ce signe, cette signature sur ses images (ombres, jeux de lumière, ventilateur légèrement flou au second plan et j'en passe...). Scarface, avant de rentrer dans le vif (sanglant) du sujet, c'est aussi un casting de rêve : Muni versatile à souhait, Raft tout jeune et déjà suavement inquiétant, Boris Karloff auquel on n'oserait même pas demander l'heure, Ann Dvorak aux yeux mangeurs d'hommes, la sublime Karen Morley (faut-il vraiment que je vous mette sur la piste d'un jeu de mots ?). C'est enfin un Hawks dont le montage est tellement bluffant, trépidant, mitraillant qu'on en finit par avoir les yeux qui clignotent pour graver un maximum d'images dans sa petite cervelle.

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Hawks s'attaque aux films de gangsters sans putasserie : que fait le gouvernement pour arrêter ce carnage ? Ces types au top of the world ne sont que de vulgaires esprits qui ont décidé de mettre une croix sur toute humanité : Scarface représentera le top du top - habillé richement mais avec autant de goûts et de finesse qu'une purée Mousseline, supprimant ses ennemis avec un sourire carnassier et un jusqu'au-boutisme de grand malade mental, trahissant son boss, son meilleur pote et allant jusqu'à être responsable de la mort de la seule femme qui pouvait provoquer chez lui un sentiment humain : la jalousie (leur relation incestueuse apparaissant à la toute fin du film comme un bouquet final de fleurs du mal : Scarface est une ordure qui mérite de mourir la tronche dans un caniveau ou sur l'asphalte - l'oracle se réalisera). Certes, tout réussit à cet homme Muni mais l'esprit de ce héros souriant apparaît si visqueux, si vicié (il ne désire la femme de son boss... que parce qu'il s'agit de la femme de son boss - une fois obtenue, une fois l'option cochée, on ne la reverra plus) qu'il n'est jamais question pour le spectateur d'avoir une quelconque empathie envers ce tueur de masse (l'incroyable tuerie gratuite dans ce garage surplombé de motifs en croix). Il tentera une ultime fois de s'échapper comme un rat, en biaisant. Mort au rat, gloire à Hawks.

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Dès le début, Howard nous trousse un petit plan séquence d'anthologie avec une caméra qui balaiera intelligemment le décor et qui jouera déjà admirablement des hors-champs, des jeux d'ombre. On retrouvera plusieurs fois au cours du film cet art d'Hawks dans la construction de certains plans - la mort de Karloff dans le bowling qui chute comme une quille - just perfect. Les scènes d'action sont légion, font la part belle aux pétarades souvent absurdes (les bibelots morflent), aux courses de bagnoles qui finissent le nez dans un réverbère ou dans le ravin. Il s'agit d'un véritable feu d'artifices de violence qui laisse derrière lui une multitude de cadavres qui ressemblent à des loques - ces polochons humains qu'on jette des voitures, porteur de lettres, morts. Il y aussi et enfin une belle petite touche de sensualité (les gambettes de Morley, la danse langoureuse de Dvorak...) qui injecte une jolie petite dose de venin féminin dans ce film d'hommes abjects. Un must, un vrai film du faucon sur de vrais.   (Shang - 31/10/14)

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Un chef-d’œuvre absolu, oui, messieurs-dames, que Shang a parfaitement commenté ci-dessus. Chaque plan de Scarface est un émerveillement, à la fois sur la forme et sur le fond. En 93 minutes, Hawks parvient à raconter toute une histoire, à rendre prégnante l’atmosphère de cette époque, à dévoiler des champs immenses de non-dits et de tabous, à être palpitant, à dessiner des personnages splendides (le secrétaire analphabète, la sœur à la fois innocente et toute aussi violente que Muni, le chef de clan pas assez autoritaire dont on sent dès son entrée qu'il ne fera pas l'affaire...), à ménager le suspense, à faire exploser son style (on a reproché à ce cinéaste, moi le premier, d'en manquer : c'est là la preuve qu'on s'est bien plantés), à faire dans le classique pur et dur, à inventer un gangster digne du futur Cagney de White Heat (jusqu'à maintenant mon favori), à nous faire marrer, à livrer un portrait crédible de cette époque et de ce contexte, et à pondre le plus noir des joyaux des films de flingues du moment, et de tous ceux à venir. Je n'ai rein à ajouter au concert de louanges, ni au texte de mon camarade : on est dans le pur bonheur.   (Gols - 10/12/22)

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Commentaires
H
En revanche, ce que je viens d'écrire à propos du jeu de Muni, je l'appliquerais moins favorablement (bien qu'il s'agisse aussi d'un principe expressionniste) aux celèbres « croix fatales » qui émaillent le film : avec le temps, elles ont à mes yeux perdu beaucoup de leur force dramatique et graphique.
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H
Tous les films prennent des rides, même les meilleurs, sans exception ; il serait absurde que ce ne soit pas le cas. (En soi, ce n'est ni une bonne ni une mauvaise chose, et je me méfierais beaucoup d'un film qui ne serait affecté par aucun signe du passage du temps, du changement des goûts et des rythmes : ce serait une monstruosité abstraite, informe et désincarnée.) Ou bien, au contraire, aucun film n'en prend, si l'on juge la métaphore inadéquate ! En revanche, si l'on entend « prendre des rides » au sens de « mal vieillir » et « devenir caduc », je comprends tout à fait les personnes qui trouvent le jeu de Paul Muni chargé et presque risible — même si je le considère pour ma part anti-naturaliste et quasi expressionniste et, en tant que tel, continue de l'apprécier.
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A
Ah oui, de l'aussi taillé à quatre épingles que le costard de George Raft, ce billet. Arf, moi Mitch Morley je tortille sérieusement des hémisphères entre le film du Silver Fox et celui du Wild Bill, entre la Salers et la blonde d'Aquitaine. Peux pas les départager. T'façon, à un tel degré d'excellence dans les papilles, pourquoi qu'on barguignerait ?
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G
Rien à dire. <br /> <br /> Voilà ce que qui s'appelle torcher une putain de bonne chronique tonique sur un film dont tout le monde a tout dit.<br /> <br /> Ceci dit, celui qui me hache vraiment menu, encore plus que celui-ci, dans le genre vieillerie (salut Boulon) qui dépote au fronton de l'éternité : Public Ennemy de Wellman. C'est simple, je claque des dents tout au long de la dernière bobine.
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