LIVRE : Constellation d'Adrien Bosc - 2014
Touchant premier livre que celui d'Adrien Bosc, avant tout par son sujet. Le 27 octobre 1949, un avion se crashe dans l'Archipel des Açores. A son bord, Marcel Cerdan, certes, mais aussi 48 autres passagers ou personnel de bord. Aucun survivant. 65 ans plus tard, Bosc compulse la liste de ces disparus, célèbres (à bord se trouvait aussi la virtuose du violon Ginette Neveu) ou anonymes, et décide de leur donner une seconde vie en les abordant tous, un par un. Chacun de ces petits destins brisés aura droit à ses quelques lignes, quelques pages, petites anecdotes, ou simples mentions, dans une émouvante élégie. Par courts chapitres, Bosc revient sans cesse sur ces gens, et tente de montrer la force du destin en multipliant les coïncidences, coups du sort et autres bizarreries qui entourent ce drame : et si Piaf n'avait pas insité pour que Cerdan prenne l'avion plutôt que le bateau ? Et si le luthier de Neveu l'avait accompagnée comme prévu ? Et si Neveu n'avait pas porté une robe rouge ? Et si, et si... Le roman tresse ainsi tout un réseau de correspondances entre morts et vivants, et met à jour des rouages inattendus dans la marche du destin. C'est habile, même si pas toujours probant (le fait que Kathleen Ferrier joue le lendemain de la mort de Ginette Neveu, ou que Howards Hugues ait conçu l'avion en question, par exemple, ne saute pas aux yeux comme une extraordinaire coïncidence). Mais c'est aussi très touchant de voir défiler cette liste d'anonymes, dont Bosc arrive toujours à nous parler avec empathie, qu'il s'agisse d'un groupe d'agriculteurs du Cantal en vadrouille, d'une mère esseulée ou d'une hôtesse de l'air. Ce profond respect des personnages, cette passion même que l'auteur met à dévoiler les petites existences brisées de ces anonymes (ça fait penser à Sophie Calle suivant des inconnus dans la rue) emportent le morceau, et compensent une écriture parfois assez chaotique et pas très bien balancée : gros défauts de rythme de phrase, quelques couacs dans la construction, de ce côté-là, c'est moyen. Mais encore une fois, on doit aller chercher le charme de ce livre secret ailleurs, dans ce petit murmure triste qui nous arrive à l'oreille, dans cette mélancolie discrète qui vient illustrer un drame pourtant énorme. Très joli texte.