LIVRE : Dans les Yeux des Autres de Geneviève Brisac - 2014
Chaque nouvelle rentrée littéraire (dit-il en vieux briscard alors que cela fait bien quarante ans qu'il n'avait pas lu plus de quatre livres à l'occasion de cette fameuse rentrée) est l'occasion de découvrir de nouveaux auteurs, de nouveaux horizons (eheh). Bon, j'ai essayé du Geneviève Brisac bien que ce nom, en lui-même, ne soit pas très vendeur - mais je reconnais qu'un tel jugement est outrageusement subjectif et bas. Dieu m'en est témoin, j'ai eu toutes les peines du monde à rentrer dans la chose, ne sachant guère sur quel personnage la Geneviève, cherchait vraiment à se focaliser : Molly, Anna (les deux sœurs ennemies), leur mère ou encore Boris, un ancien amant ? Cela est d'autant plus déstabilisant que l'on change de narrateur constamment sans que l'on voit vraiment l'intérêt. Il faut parvenir pratiquement à la moitié du livre pour qu'enfin l'un des personnages, Anna en l'occurrence, prenne le récit à son compte et ce jusqu'au bout (Brisac a-t-elle voulu brouiller les pistes, montrer le reflet d'Anna "dans les yeux des autres" ? Pas vraiment puisqu'il n'y a que Molly qui évoque vraiment sa soeur. Je ne fus en tout cas guère séduit par cette approche des choses... D'autant que l'on reste au final, soyons franc, dans de la littérature très classique au niveau de la structure narrative - bref). Le roman commence à prendre un peu son envol à mi-parcours avec cette histoire d'amour entre Anna et un certain Mareck sur fond de Mai 68. On s'accroche à ce tendre flirt entre les deux jeunes gens tout deux militants de la première heure en se disant qu'on tient là notre sujet. Pas vraiment. Le soufflet retombera en effet très vite, la vie de l'idéaliste Anna semblant destinée à être une longue suite de déceptions. Pas gai, pas gai quand on y songe.
Anna va aller de déception en déception, semble accumuler les ennuis comme d'autres les années de retard pour payer leurs impôts, avant de reprendre du poil de la bête et... écrire ce livre qu'on a entre les mains - le refrain est connu. Qu'il s'agisse des rapports conflictuels avec sa sœur (des rapports en symbiose à leur plus jeune âge qui vire à l'aigre), avec sa mère, avec son amant (de l'amour à l'indifférence...), de ses désillusions par rapport "au combat" (même si elle marche surtout au départ sur les pas de sa soeur et de son amant, elle va clairement tomber de haut), de son rapport à l'écriture (après l’écriture d’un ouvrage sur les êtres qui comptaient tant pour elle, sur cette « aventure révolutionnaire », ceux-ci vont l’attaquer en justice et l’Anna, disgraciée par ses pairs, ses proches, va perdre l'inspiration, ou tout simplement l'envie d'écrire), le destin de la pauvre Anna a tout du chemin de croix... Brisac nous rend compte des tensions qui s'installent entre ces êtres avec une certaine justesse ; seulement à trop vouloir brasser les personnages ou les événements (la "lutte" de la France au Mexique), elle peine à se concentrer sur un vrai point névralgique - si ce n'est la névrose de son personnage principal. Pas désagréable, non, ni réellement passionnant - à mes yeux, of course.