LIVRE : Deep Winter de Samuel W.Gailey - 2014
Un premier roman qui ressemble à un truc de vieux briscard à cicatrices, est-ce vraiment une qualité ? Pas vraiment pour le coup : même si Gailey trousse un bon vieux roman noir dans la tradition, il se heurte aussi à l'écueil inhérent au travail sur le genre. Son bouquin a déjà été écrit, re-écrit, et même filmé par toute une génération avant lui. Deep Winter n'est ni moins bon ni meilleur que tous ceux qui l'ont précédé. On prend certes du plaisir à marcher sur les mêmes traces, plaisir enfantin qui équivaut à entendre tous les soirs la même histoire et à la redemander quand même ; mais on aimerait aussi que les écrivains américains "classiques" sortent un peu des moules de leurs aînés.
Sombre histoire : Danny, l'idiot du village, est accusé d'avoir tué la belle Mindy, alors que c'est cette brutasse d'adjoint du shérif le coupable. Une chasse à l'homme en forêt va s'en suivre, assez infernale puisqu'une bonne dizaine de gusses armés jusqu'aux dents va être impliquée, et que tout ça va bien sûr se terminer dans un bain de sang. Ambiance noire, donc, même si ça se déroule sur un décor joliment dessiné de neige en forêt de Pennsylvanie. Gailey aime aller chercher loin dans les bassesses humaines, créant notamment quelques personnages de bad boys impressionnants : tous marqués par un passé de violence, de bibine et de rudesse, ils sont lâchés comme des fauves dans cette histoire sans issue, où la vengeance appelle la vengeance. Les personnages sont classiques, archétypaux même, du flic alcoolo au second couteau lâche, de la fille fatale à l'idiot plein d'abnégation, mais Gailey raconte assez bien son histoire pour faire passer les clichés : il utilise de courts chapitres qui font varier les points de vue, comme un roman choral où chacun, bons et méchants, a son mot à dire.
Malgré tout, l'usure se fait sentir, et on sait à peu près dès le départ où tout ça va nous emmener. Gailey ne trouve jamais son style propre, sauf à la toute fin où il fait brusquement son coming-out de bon judéo-chrétien à gros sentiments moraux qui tâchent. Sa voix est complètement étouffée sous l'allégeance au genre. S'il écrit un bouquin correct et amusant, il lui manque tout de même une vraie personnalité. Sympa comme une série B, insuffisant comme une série B.