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23 août 2014

Bouge pas, meurs, ressuscite (Zamri, umri, voskresni!) (1990) de Vitali Kanevski

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Ce film n'est pas un hommage à la tragédie de Ferguson, soit dit en passant et en intro. Voilà 24 ans (je fais plus jeune heureusement) que j'avais vu le film en salle et je ne me rappelais pas en fait d'une telle violence. Avec ma petite gueule d'ado et mes cheveux au vent, j'avais dû être surtout charmé par cette sympathique amourette entre Valerka et Galia (pas la peine de revenir sur le fait que la direction d’acteurs, des jeunes et des moins jeunes, est tout simplement ébouriffante), une amourette, disais-je, au milieu de la gadoue, de la merdouille, des joncs et de la brume. C'est certes un des seuls aspects lumineux dans ce monde ruskof de bruts. Parce que mon Dieu, ou plutôt mon Staline et mon Lénine, ça cogne à tout va. Entre gamins (l'histoire des patins à glace), les adultes frappant les gamins (l'histoire du voleur, le chauffeur du train se défoulant sur Valerka...), entre adultes (le vol du bijoutier - qui reste sur le carreau -, la baston dans la salle de bal avec les deux culs-de-jatte qui restent à terre ainsi que trois béquille...). La moindre occasion semble servir de défouloir comme s'il s'agissait de bastonner pour oublier pour un temps cette terre d'exil.

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Complicité entre gamins, violence à tous les coins, la vitalité du film de Vitali se trouve dans ce constant oscillement entre rires et coups : la caméra traque les 400 coups de ce jeune personnage avec une facilité monstrueuse et l'on est rapidement englouti dans cet univers cruel du bout du monde, dans cette terre totalement oubliée par l'humanité sous le regard éternellement stoïque du camarade Staline. C'est la toute la "beauté" de ce film, si j'ose dire, de rendre vivant, à l'image de ce gamin plein d'énergie, cet univers de mort-vivants. Kanevski nous emmène à travers ce paysage de brouillard, de fumées des cheminées ou des trains, à travers ce terrain boueux, spongieux, ces mares de merde sans nous laisser jamais en rade dans cet enfer du gris. On sort à chaque coup du sort de cette mouise en collant aux basques de ce jeune héros pour un périple qui va nous mener le long des rails… jusqu'à une éventuelle voie de garage. C'est lorsqu'on sent que la vie est belle, que tout n'est pas si terne, que l'amitié peut tout sauver que l'enfoiré de Kanevski nous assène un ultime coup sur la tête qui nous laisse le nez planté pour toujours dans les gravillons sibériens...

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Bien content d'avoir revu la chose car ce film demeure un réel tour de force qui n'a perdu en rien de sa jeunesse, de sa force, de sa grandeur à filmer les petites choses, le malheur, la vie. On est à la fois passionné par les diverses aventures de Valerka et stupéfié par le monde menaçant qui l'entoure. Même si le gamin est malin, même s'il sait prendre au besoin ses jambes à son cou, il n'est jamais à l'abri d'un regard scrutateur (qu'il s'agisse de l'effrayant homme au chapeau ou de la chouette effraie) qui pourrait le pétrifier à jamais. Il semble malgré tout toujours capable de s’en sortir miraculeusement jusqu'au moment où il n'y aura plus de miracles... La Sibérie, quoi, comme d'autres évoqueraient l'escalade (...) ou la fatalité. Caméra d'or 1990 amplement méritée qui malheureusement ne fera pas beaucoup de petits (très vague souvenir ceci dit d'Une Vie indépendante qui n'avait pas, si je ne m'abuse, la même fougue). A ressusciter, forcément.

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Commentaires
B
Petit complément d'informations pour ceux que ça intéresse provenant des bonus du dvd ( interview du réalisateur ) :<br /> <br /> - Le film décrit les faits comme Kanevski les a vécus , en corrigeant certains passages mais sans ajouter aucune séquence .<br /> <br /> - Le titre provient d'un jeu russe ( on bouge pas , on meurt , on se fige ...et on est libéré ) <br /> <br /> - Le choix du noir et blanc tombait sous le sens car la réalité comme la percevait et la vivait le réal était enfumée en permanence . Le gris était partout , jamais de couleur pour égayer un tant soit peu le quotidien ( bien expliqué dans la chronique )<br /> <br /> - Le jeune Valerka a été trouvé dans la rue , gamin à l'enfance difficile ayant fugué d'une école pour enfants difficiles .La réalité et la fiction se rejoignaient et pour le documentaire " Nous , les enfants du 20e siècle " un peu plus tard , la jeune Dinara Droukarova ( Galia ) a été contactée et a retrouvé Valerka en prison . D'où sa performance dans " Bouge pas ..." aussi vraie que nature .<br /> <br /> - La scène finale déchirante aurait due être coupée au montage mais Kanevski en a décidé autrement .<br /> <br /> Voilà quelques grandes lignes pour résumer un peu ce film qui m'a marqué profondément et durablement . Le comique de l'histoire est que j'ai vu le film il y a env 2 ans en russe sous-titré anglais donc j'ai compris un peu plus de la moitié des répliques ( mais les images parlaient d'elles-mêmes ) et j'ai acheté le dvd dans la foulée à l'époque où il valait 10 euros et des poussières ( faut voir maintenant eh eh ) et depuis ce temps que je peux le revoir sous-titré français , eh ben , j'attends encore car trop ancré dans ma mémoire . Si je patiente jusqu'à en oublier ne serait-ce que la moitié , je serai en chaise roulante chez les seniors à jouer au rami .
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B
Bon . Je défais ma valise , tac tac et voilà . Merci tout d'abord pour cette critique pertinente et qui rend justice à ce sublime drame de l'enfance d'après-guerre dans l'extrême-orient russe ( Soutchan ) . Prodigieuse leçon de survie autobiographique dans ce paysage chaotique , enfumé , aux odeurs de souffre mais baignée d'une lumière salvatrice illusoire illustrée par cette relation émouvante entre une fillette dégourdie et bien mûre pour son âge ( et plus téméraire , comme le montre l'épisode des patins ) et ce garçon plein de fougue prêt à tout pour tirer son épingle du jeu parmi cette horde de fantômes qui l'entoure . Inutile de préciser que le jeu fascinant des jeunes acteurs ( crédibles en diable ) et de tous les acteurs en général est pour beaucoup dans la réussite de cette peinture bouleversante et indélébile . Le traitement de Kanevski pour nous immerger dans les rapports entre les deux gamins d'abord touchants puis attachants dans leur froideur , leurs disputes , leur rapprochement et finalement leur complicité à l'issue tragique est d'une intelligence remarquable .
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