Sacré Printemps (The happy Time) (1952) de Richard Fleischer
Soirée "double Fleischer" tonight, on ne se refuse rien... C'est le printemps et the happy Time est une film gouleyant, rafraîchissant, bien de saison. Voici venu le temps des rires bêtes et de la puberté au Cânâdâ. C'est Bobby Driscoll qui s'y colle dans le rôle du benêt de service en pleine mue. Mais Fleischer nous concocte également un casting de Frenchies des plus séduisants : l'irrésistible Charles Boyer (qui me fait toujours marrer, c'est nerveux), Louis Jourdan (le parfait French lover, arrogant et menteur... mais craquant), Marcel Dalio (en grand-père qui pète le feu même s'il ne lui reste plus beaucoup de carburant) ; au programme des dialogues half English half français absolument bidonnants (une œuvre que je conseille à tous les profs d'anglais : ne pas comprendre Boyer quand il parle anglais, faut le faire exprès), les acteurs ne se gênant point pour glisser des « tu comprends » à tout bout de champ. Mais au-delà de ça, il s'agit d'une œuvre divinement légère (il n'est question que de flirt et de désirs... même parfois d’amour - autrement dit, une œuvre sur l'essentiel) menée sur un rythme tonitruant : Boyer a une bonne humeur communicative et l'on se régale pendant 1h30 à suivre les exploits diverses de la famille Bonnard sous le regard bon enfant du sage Charles.
Ils sont trois frères, les Bonnard : le Charles, père de famille, violoniste, qui couve avec sa femme son fiston Bibi même s'ils sentent que celui-ci va bientôt apprendre à voler de ses propres ailes (j'invente rien, on a même droit à une séquence sympathique avec un canari métaphorique) ; le Louis, gros gros buveur qui passe son temps à dormir chez son frère quand sa femme (qui taffe comme une dingue) l'engueule et l’éjecte : un bon vivant quoi ; et enfin le Desmond, bon viveur qui drague tout ce qui porte jupon et jarretière. Le Dalio (le pater) étant un grand séducteur, on s'attend à ce que le Bibi ne détonne pas dans la famille. Seulement si sa dévouée et affreuse voisine le colle, le Bibi ne va pas tarder de n'avoir d'yeux que pour la nouvelle bonne (la très mignonne Linda Christian dans le rôle de Mignonnette) qui s'est échappée d'un numéro de magie ; elle est blonde, elle est fraîche, elle pétille, elle te fait péter la bise pour un rien et cela laisse notre bibi tout chose (il a la tête de l'emploi, le Bobby Driscoll, pour interpréterle double effet kiss cool du premier baiser : 1) tu ne bouges pas 2) tu ne bouges plus - et notre ado de ramasser ensuite sa mâchoire sur le sol. Seulement voilà, pas de bol, le gars Desmond est également sur le coup de la bonne et là c'est l'expérience qui parle : il est tellement roublard, le type, et elle tellement naïve, qu'il ne devrait pas tarder à croquer la soubrette. Mais elle n'est peut-être pas si sotte...
On n'est dans la bonne vieille comédie à l’américaine avec tronches expressives (nos Frenchies sont top, on comprend enfin pourquoi les Américains love Jean Dujardin - l'acteur français est soit un mime, soit un clown (ou les deux)), musique au taquet (Tiomkin livre une partition millimétrée qui colle à chaque plan) et bon vieux gags à la bonne franquette (le Bibi embrasse la Linda qui dort et lorsqu'elle se réveille et ausculte les traces laissées sur son rouge à lèvres, elle décide de jeter un broc d'eau… à la figure de Desmond, ohoh). Le pitch est mince mais comme tous les acteurs sont pétulants, on ne s'ennuie pas une seconde à suivre les affaires de cœur de chacun ; quoiqu'il advienne Charles Boyer a la patate et aura toujours un mot, un sourire, une attention envers son prochain ; ce type c'est tout le gai Paris à lui tout seul, une bombe à optimisme pleine de sages conseils - qui trouvera même le moyen de tenter de nous émouvoir sur le fil en ayant la lalarme à l'oeloeil quand son gamin deviendra enfin un homme, un vrai. Happy film !