L'Etrangleur de la Place Rillington (10 Rillington Place) (1971) de Richard Fleischer
Richard Fleischer vient encore de me coller une grosse baffe... Je m'attendais à un ptit thriller aux oignons, avec du suspense, de l'action, je ne sais quoi - foutaises ; 10 Rillington Place parvient à dépeindre l'horreur absolue, la déchéance totale avec un zen, un calme, une sorte d'inertie absolument bluffant. Je parlais des acteurs anglais il y a peu, force est de reconnaître que John Hurt (Gols en moins beau, moins bon et plus vieux pour vous donner une idée) est absolument époustouflant dans ce rôle de pauvre type analphabète un brin mythomane, gentil comme une mouche ; quant à Richard Attenborough, disons-le clairement, c'est le rôle d'une vie, c'est juste ouah, il est extraordinaire (je ris juste en pensant à un autre chauve française mystérieux : Michel Blanc dans Mr Hire - oui, je ris) : il campe un gardien d'immeuble qui commet des meurtres dans son petit coin, tranquillement, à l'artisanal... Affable, obséquieux, urbain, il est le mal incarné - de quoi donner envie d'embrasser avec plaisir n'importe quelle gardienne d'immeuble portugaise moustachue. Attenborough est juste parfait et contribue ô combien à l'impact de ce film qui laisse sur le flanc.
Ne jamais demander à un gardien d'immeuble, à un amateur, à un criminel de pratiquer un avortement sur votre femme, surtout en votre absence. C'est la première erreur à ne pas commettre : demandez conseil à un professionnel, si, faites-le. Le film est suffisamment édifiant en soi pour que vous n'y réfléchissiez pas à deux fois. Lorsque Hurt (il se la raconte, il est benêt, il fait le fier, il est sans le sous, il bluffe et prends des grands airs, il est simplet et gentillet) donne le feu vert pour que le gardien "opère" sa femme, on frissonne d'avance. La pauvre Judy Geeson est tellement pleine de vie qu'on a du mal à imaginer la couture de ses bas pendouiller sur ses jambes mortes... On voit bien que c'est inéluctable, on voit bien que ce salaud de Fleischer prend tout son temps pour nous narrer son histoire avec ses dialogues à deux à l'heure, ses putains de thé qui prennent trois plombes à préparer, ces escaliers dont l'on pourrait compter chaque marche tant le gars ne fait jamais de coupe à chaque fois qu'un locataire monte ou descend, on sent bien qu'elle va se faire gazer bêtement... Sauf si, par le plus grand des hasards, des ouvriers se pointaient ce jour-là dans l'immeuble ? Sauf si, sa copine décidait de lui rendre visite au moment opportun ? Sauf si son bébé, oui son bébé qui pleure tout le temps, pouvait finir par attendrir ce chauve... Le Fleischer avec son petit air de ne pas y toucher et de nous trousser un film à l'anglaise, les pieds du caméraman solidement collés au plancher pour qu'on soit toujours à hauteur des tronches, nous servant une image maronnâtre déprimante, ne cherchant point à nous divertir avec de la musique, nous distillant ces petits dialogues parfaitement écrits, le Fleischer, disais-je, il nous tient par le slobard et il ne va pas nous lâcher tout au long de cette lente et irréversible (c'est le cas de le dire) descente aux enfers. Mais qu'il est couillon ce Hurt, qu'il est malin cet Attenborough, on a envie d'intervenir pour limiter le massacre, pour empêcher le glauquissime absolu (non par pitié, ne vous servez du grand sac en plastique pour..., non pas le... arrrrrrgggghhh) - en vain. Il y a un procès, on est optimiste, on espère enfin que la vérité, la justice va triompher mais Fleischer a empoigner la poche de notre slip kangourou à deux mains et il est capable de nous traîner, avec le Hurt, encore plus bas... Radical, merveilleusement interprété, filmé tout en tact et précision, lentement mais surement, cet Etrangleur ne vous lâche pas une seconde jusqu'à ce que le rideau tombe. Magistral Fleischer once again. A éviter un soir de déprime, sinon ça sent le gaz... ou le meurtre de votre gardien chauve.