Hitler, connais pas (1963) de Bertrand Blier
Me lance-je dans les titres de film avec Hitler inside ? Oui, nan, c'est le hasard de ma programmation, on va dire. Je n'avais donc jamais vu jusqu'alors cette première oeuvre du gars Blier qui passe au grill 11 jeunes de 20 ans. On sent, par la force des choses, que l'on est dans une sorte chienlit pré-68, tant nos jeunes de 20 ans ne respirent guère la joie de vivre - sans même véritablement imaginer un jour une "rébellion". A part une chtite bien coquine qui flirte autant avec les hommes que moi avec le rhum (mouais) - et encore, son rêve demeure celui d'un bon vieux mariage bourgeois avec "longue robe blanche, les grandes orgues et les fleurs d'oranger (!)" -, on a pas l'impression que nos gars et nos gâtes ne se contenteraient pas d'une ptite vie pépère, qu'ils soient pour l'heure ouvriers (mais avec l'envie d'évoluer un poil), grand branleur, fille-mère ou fils à papa (papa qui tient une bonne vieille entreprise familiale : le discours de ce jeune de 20 ans cravaté jusque-là est en parfaite adéquation avec sa face molle et ses habits déjà empesés, un bonheur). Blier les emmène sur divers sujets : les relations à leurs parents d'abord (pas souvent jouasses jouasses - il n'y en a bien qu'un, de mémoire (l'ouvrier sympathoche), qui fait une véritable déclaration d'amour à sa môman ; pour le reste, la famille, on s'en passe aisément, si ce n'est pour certaines contingences matérielles et intéressées...), leurs premiers flirts, leur idée du mariage, leur taff, leur premier salaire, leurs lectures, leurs ambitions ou tout simplement leur parcours (le récit le plus prenant étant sûrement celui de ce jeune gars qui a décidé du jour au lendemain de se barrer de chez ses parents, a tiré son sac à une vieille histoire de ne pas avoir les poches vides (dostoïevskien, son périple) et s'est retrouvé rapidement chez les flics avouant sans trop qu'on insiste son ptit coup de folie - mais la justice fut sur le coup clémente.
Même si nos jeunes parlent avec un réel naturel et sans tabou, l'ensemble de leur vie paraît pour la plupart un peu gris (bon ben tu sors, t'as le cinoche ou le bal pour emballer mais bon, les femmes ou les hommes de votre vie, ça court par les rues...) ; ils sont en quelque sorte plutôt décontractés dans la forme mais dans le fond, leur mode de fonctionnement donne souvent l'impression de peser dix tonnes - la médaille revenant à cette fille mère à la voix fluette qui finit par donner l'impression qu'Atlas portait un ballon de foot sur son épaule. Heureusement que le gars au montage n'est pas un manchot, variant à l'envi les angles de prises de vue, mélangeant avec une belle fluidité les divers récits, balançant ici ou là quelques moues de nos jeunes plutôt rigolotes (cela donnant d'ailleurs l'impression qu'ils réagissent aux propos souvent un peu fumeux d'un des leurs mais il n'en est rien - juste une finesse de montage comme on nous l'explique gentiment au début du doc). Même si le réalisateur s'en défend en ouverture (ce n'est point une enquête mais un spectacle), cela donne mine de rien une certaine idée de l'ambiance de l'époque et des petits tracas qui planaient dans la tête de nos jeunes plutôt "bonne pâte" dans l'ensemble. Bien fait, bien monté, des témoignages qui n'ont rien de vraiment sciants en eux-mêmes ; ce petit côté "à la bonne franquette" donne heureusement un vrai poids "humain" à ces confessions face caméra et on ne peut que finir par trouver à tous ces braves petits jeunes un côté attachant (sauf au fils à pôpa, hein, quand même... son laïus sur les ouvriers eheh... mais allez, tiens, soyons bon, même lui il est attachant dans son genre - sinon Gols va finir par me taper sur les doigts, je le sens bien - hum). Interesting et collector, hein, aussi, par état de fait.