Jacky au Royaume des Filles de Riad Sattouf - 2014
Il faut être sacrément in the mood pour apprécier le nouveau machin de Riad Sattouf : c'est affreusement cheap, assez laid, pataud par endroits, pas très fin... Le micro-budget se voit à l'écran, et le gars a visiblement fait des économies sur tous les postes, du chef-op (photo vraiment immonde) au matos (de la DV d'amateur), des costumes aux décors. Mais si vous êtes in the mood, et surtout si comme votre serviteur vous aimez l'humour déglingué du gars, c'est un petit bonheur de cinéma bis, qui ne vous transportera peut-être pas dans les limbes du délice cinéphilique mais vous mettra au moins la banane à pleins d'endroits...
L'idée de base est marrante : dans une société matriarcale fascisante, où les mollah fanatiques sont remplacés par des matrones satisfaites (Anémone, très mal à l'aise), un jeune gars (Vincent Lacoste, assez mal à l'aise) tente de gravir les échelons sociaux pour épouser celle qu'il aime, la princesse à qui sera bientôt échu le trône (Charlotte Gainsbourg, mal à l'aise). Ce renversement des clichés masculin/féminin n'a l'air de rien, mais fonctionne bien : on découvre une bande de gars voilés jusqu'aux chevilles, dont quelques-uns immédiatement reconnaissables comme des personnages sattoufiens : ados acnéiques et immondes, tronches grimaçantes (Didier Bourdon, comme un poisson dans l'eau), vilains ricanants. Les femmes ne sont guère plus épargnées, et c'est vrai qu'on peut reprocher à Sattouf de renvoyer tout le monde dos à dos dans leur laideur et leurs tares. Son trait de BD manque ici pour faire passer les lourdeurs, et on regrette le côté vraiment punk de ses albums. Tout est moche dans cet univers, les gentils comme les méchant, pas vraiment de place pour du romantisme là-dedans, et si on se marre bien devant la grôôôsse farce, on cherche un peu de la respiration là-dedans. Elle viendra grâce à ce petit personnage en quête d'amour, Candide au pays des djihadistes qui trace son chemin sentimental et naïf dans un monde violent. Même si la mise en scène est hésitante, toutes les scènes dans le palais avec Gainsbourg sont touchantes, jsuqu'à ce coup de théâtre final bien couillu (...) et intelligent.
C'est donc gentiment subversif et politique, mais ça reste avant tout un film de poilade, et -sporadiquement, certes- on est servi. Ce sont les trucs les plus gros qui passent le mieux : les prières à un poney télépathe (...), les dialogues malpolis (mais Sattouf échoue un peu avec ce nouveau langage qu'il tente de créer), les insolences sexistes, les détails de personnages (les secondaires sont super, de Noémie Lvovsky à Valérie Bonneton)... Le compère s'amuse bien, et fait oublier ses maladresses techniques en en faisant une sorte de style à la Mocky, en plus drôle. Dynamique, sans complexe, et finalement assez bien écrit. Et puis comme ça, on aura au moins un film avec Didier Bourdon dans ce blog.