Un Poison violent de Katell Quillévéré - 2010
Comparez juste un des derniers plans de Un Poison violent, celui où des jeunes filles se réveillent dans leur dortoir de pension et se mettent à leur toilette, à n'importe quel scène de Naissance des Pieuvres de Sciamma : vous vous rendrez compte comment on peut filmer la même chose et être pourtant strictement des deux côtés opposés du manche. Quillévéré n'a pas du voir un ado de toute sa vie pour en livrer un portrait aussi dépourvu de la moiundre énergie, de la moindre sève, de la moindre vie. C'est pourtant le sujet principal de son film : montrer une jeune fille, Anna, aux prises avec les découvertes du monde, amour, parents, sexe, foi et solitude. Plus ou moins abandonnée à elle-même par une mère dépressive et un père absent, cible des assauts amoureux d'un garçon audacieux, en proie au doute quant à sa piété catholique, la miss s'ennuie un peu, vaque à de vagues occupations, se pose pleins de questions, et rend visite à son pépé légèrement priapique. C'est bien simple : chacune des préoccupations de cette pauvre petite fille moderne sonne faux, comme si Quillévéré avait décidé de parler de la jeunesse sans elle-même avoir été jeune. Comment croire une seconde aux évanouisssements mystiques d'Anna quand on lui propose l'hostie ? Comment imaginer qu'une ado puisse être aussi sérieuse et vaporeuse ? Comment croire à cette mère tourmentée par la foi ? Comment adhérer à ce jeune prêtre italien expiant ses pensées impures sur son lit de douleur ? On est en 2013, mais le film semble dater des premières images d'Epinal, présentant des vignettes fausséees en faisant croire au naturalisme le plus pialatesque.
On ne croit donc pas une seconde aux situations et à la psychologie des personnages. La faute beaucoup aux acteurs (ou à la direction d'iceux ?), vraiment médiocres, depuis Lio, aussi profonde qu'une dinde de Noël, à Clara Augarde, véritable anti-révélation du film : Quillévéré voudrait en faire une présence évidente à la Bonnaire, mais la petite est fade, appliquée, quand elle n'est pas complètement à côté (son sourire final face caméra lui mériterait une claque sonore). Seul le petit môme est intéressant, vraiment juste. Notons aussi que Galabru est plutôt rigolo, même s'il fait exactement ce qu'il sait faire en refusant de toute évidence toute direction de sa réalisatrice. Mais on ne croit pas non plus aux atmosphères, le film souffrant vraiment au niveau technique : lumière blafarde (certes, c'est la Bretagne, mais quand même), costumes parfaitement immondes, montage heurté. La réalisatrice essaye tant bien que mal de rendre hommage à sa région, et y parvient seulement avec la musique, qui plante de belles atmosphères à la fois celtiques et rock'n roll. Mais tout le reste sent la préparation, le labeur, et devient artificiel à force de "signifiance". On voudrait bien mettre un peu de soufre là-dedans (la bandaison du grand-père, le cadeau de sa petite fille qui se dénude devant lui), mais ces quelques plans un peu audacieux sont noyés dans un jansénisme sans nécessité qui envoie le propos dans les fougères : de corps, de trouble physique, de véritable jeunesse, il n'y en aura point dans ce film mortifère et vieux. Un premier film qui sent le sapin, c'est pire que tout.