The Devil's Rejects de Rob Zombie - 2005
Diable, on envoie un film d'horreur qu'on imagine banal (surtout après avoir vu l'affreux remake d'Halloween signé du même réalisateur), et on tombe sur un pur machin frôlant le culte. Machin, c'est bien le mot, tant Zombie aime se frotter avec les frontières du genre, avec la pure expérimentation, et envoie balader toutes les références de style liées au genre. Tout en étant dans l'hommage (parfois trop) appuyé au cinéma d'horreur des années 80, il réalise un truc complètement barré, rock'n roll et trash qui marque des points. Amis du bon goût, rangez vos yeux : ici, c'est ambiguité et grincements à tous les étages.
Dans une sorte de copie de Texas Chainsaw Massacre, Zombie nous présente une famille de serial-killers, une de celles où la solidarité est de mise dans la tuerie de masse et l'étripage de jeunes filles. Le film débute au moment où elle est encerclée par les flics. Deux de ses membres parviennent à s'enfuir, et commence alors une cavale sanglante sur les petites routes américaines, qui va laisser derrière elle pas mal de tas de chair sanguinolents. Peu à peu, les rôles s'inversent : les tueurs deviennent les vrais héros du bazar, sympas et drôles, et les flics (menés par un impressionnant William Forsythe) sont les vrais monstres, ceux qui se laissent dépasser part leur propre soif de violence. Tout en ambiguité, dons, d'autant que les personnages de méchants sont particulièrement soignés : une petite bombe blonde aussi sexy que monstrueuse, un baboss sur le retour fan d'écorchages de visages, et surtout le patriarche : un clown trash directement issu du Grand-Guignol à la King, dents avariée et barbe cradingue, mais hilarité constante. Grâce à lui, le film vire brusquement vers la farce grotesque, et gagne en sulfure. Je l'ai toujours dit et ça se confirme ici : pour faire vraiment peur, il faut mêler le grotesque à l'effroi, l'humour au gore. L'humour de The Devil's Rejects est d'autant plus fort qu'il est de mauvais goût, dérangeant, ricanant façon punk.
Zombie, épouse la démesure de ses personnages par une mise en scène spectaculaire, hyper dynamique et rock. Les scènes d'horreur vont loin dans le sadisme, et sont montées avec une gestion de la tension impressionnante. Les scènes plus gore, finalement assez rares, sont réjouissantes de frontalité (le cadavre de cette femme frappée de plein fouet par un 15 tonnes est immonde). Mais ce que Zombie réussit le plus finalement, c'est quand il s'intéresse plus particulièrement aux liens familiaux, à l'épopée quasi-héroïque de ces serial-killers. Après tout, sincères dans leurs actes (qui est de torturer et de tuer, certes, c'est mal), complètement libérés de toute référence morale, les membres du clan Firefly sont de vrais héros romanesques, que Zombie n'hésite pas à déifier de façon très sulfureuse : la fusillade finale, magnifique (on dirait du Peckinpah par moments) en fait des sortes d'icônes légendaires, et ce n'est qu'une fois que le générique tombe qu'on se rend compte qu'on s'est rangé sans scrupule du côté des monstres. Montage impeccable, musique remarquable, foule d'audaces dans la mise en scène (la tuerie tant attendue qui se déroule sur fond de musique country, dans le calme pour ainsi dire) : un vrai bon film d'horreur déviant comme peu en ont réussi. Dérangeant, oui.