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16 octobre 2013

Vidéo Haïkus de Chris Marker - 1994

Voilà un petit trio de courts-métrages qui porte bien son nom : chacun de ces petits films est une sorte de poème visuel et sonore, assez indéfinissable, qui s'apparente à l'épure de la forme japonaise, et en a tous les aspects mystérieux, zen et simples.

1Le premier, Tchaïka, est sûrement le plus "sophistiqué" : Marker y filme un fleuve (russe ?) en plongée, y ajoutant un effet vidéo assez lourd, sorte d'hyper-pixellisation qui rend l'image presque illisible, très abstraite. Impression qui se poursuit avec les plans suivants, encore le fleuve pris sous différents angles. Le tout se termine sur l'image d'une mouette qui se fige en plein vol devant le fleuve en mouvement. On peut voir ça comme une pure expérimentation formelle, on peut y voir la discrète signature de l'auteur fasciné par les oiseaux (et les animaux en général), on peut aussi se laisser aller et sourire bêtement devant l'aspect très zen-baboss de ce film d'une minute. J'ai pris la 3ème option.

2Owl gets in your eyes est moins abstrait, moins travaillé formellement, mais tout aussi lunaire : une femme fume une cigarette, et dans la fumée on entrevoit une chouette, dont l'image vient peu à peu épouser complètement celle du visage de la comédienne. Le noir et blanc vintage, le trucage à l'ancienne, le visage maquillé de l'actrice et la musique au piano font imédiatement penser au cinéma muet, et au fantastique en particulier. Pourtant, nulle peur là-dedans, même si les regards-caméras semblent délivrer un mystérieux message (ou une invitation érotique, selon votre humeur). Là aussi en tout cas, un moment de calme poésie, simple, insaisissable, peut-être, allez, disons-le, un poil ringarde dans l'idée.

3Ma préférence au dernier film, Petite Ceinture, qui possède une radicalité beaucoup plus contemporaine que les deux autres. Après un ou deux cartons annonçant qu'il s'agit d'un hommage aux frères Lumière, on a droit à un plan fixe, en couleurs cette fois, sur une voie de chemin de fer déserte (on apprend qu'elle est en travaux et qu'aucun train n'y passe), et on entend une musique déglinguée, à cheval entre de la science-fiction et des sons quotidiens distordus. Le poème se fait plus âpre, moins lisse, plus effrayant même (ces cris de corbeau saturé, cette absence de traitement de l'image qui la rendent plus directe, plus brute). C'est aussi le seul des trois où aucun être vivant ne rentre dans le champ, d'où une sensation légèrement morbide. Clin d'oeil donc au train des Lumière qui pourrait bien être une captation simplissime de la Mort. Je dis ça...

Chris Marker, l'intégrale : cliquez

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