Mémoires pour Simone de Chris Marker - 1986
"Je suis libre exactement de la façon dont je le veux. Aussi peu, et autant que je le veux."
1985 : Signoret vient de mourir, et son pote Chris Marker lui consacre ce portrait dévotement admiratif. Il y a dans ce documentaire à la construcion très simple un vrai amour qui apparaît dans chaque plan d'archive, dans chaque extrait de film. Amour certes pour la beauté de la jeune Signoret, mais surtout pour ce qu'elle devint ensuite : une femme drôle, lucide vis-à-vis de son statut et de son physique qui se dégrade, et surtout pleine d'une conviction morale et politique qu'elle tiendra jusqu'au bout. On a rarement eu l'occasion de voir Signoret comme ça, livrée toute nue à son propre regard. A travers ces images, mais aussi à travers ses mots (de larges passages de son livre La Nostalgie n'est plus ce qu'elle était sont lus par François Perrier, sur ce ton très markerien, mélange de neutralité et d'émotion), on redécouvre cette femme décidément assez admirable. L'occasion de rappeler que Signoret a cru en l'utopie communiste bien après que Montand l'a abandonnée, par exemple, ou qu'elle portait un regard vraiment sain sur sa profession les aléas de la célébrité ou le statut de star. Marker déniche de très jolies photos personnelles (Simone petite, ou jouant dans un film inachevé autour de Mère Courage de Brecht, ou seule dans l'immensité d'une salle de spectacle face à Montand), et monte des extraits de films particulièrement bien choisis.
Le film est pourtant relativement classique, et reste un simple hommage enamouré qui ne va pas bien loin. C'est certes très agréable et souvent touchant, mais on cherchera en vain la vraie marque du cinéaste dans cet exercice télévisuel un peu normé. Mis à part les premiers plans abstraits sur les arbres (pour symboliser le bérêt de Simone qui s'envole, bon), mis à part ces plans reconnaissables entre tous sur un chat, ou mis à part ces allusions au fait que la mort de Signoret fut d'abord relayée sur les "réseaux sociaux" (le Minitel, à l'époque) alors que Simone était complètement opaque à l'informatique, le film reste presque anonyme. C'est peut-être une qualité : il est entièrement tourné vers son sujet, personnage assez fort en lui-même pour n'avoir pas besoin d'en rajouter. Mais on aurait aimé trouver dans ce doc hagiographique un peu plus de caractère.
Chris Marker, l'intégrale : cliquez