LIVRE : L'Herbe des Nuits de Patrick Modiano - 2012
On le sait, Patrick Modiano creuse le même sillon depuis des dizaines de livres... On s'attend toujours, outre le charme impeccable de sa petite musique, d'être plus au moins étonné par une infime variation, par une nouveauté. L'Herbe des Nuits est, à ce niveau-là, plutôt décevant. Le narrateur se souvient d'un temps - le début des années 60 - où, jeune homme, il rencontra une jeune fille mystérieuse et côtoya des gens louches... Après avoir achevé le premier chapitre, on se dit qu'en fait on a déjà lu ce livre. Puis on se dit, rah, c'est mesquin comme réflexion donc tentons de capter tout de même ici ou là, de glaner des ptites choses modianesques qui ont l'habitude de nous rasséréner (je ne sais pas pour vous mais personnellement Modiano me rassérène. Après chacun voit midi à sa boutique). Elles sont belles ces errances dans les rues parisiennes lorsqu'elles consistent à se souvenir de boutiques disparues, de rues évaporées, d'atmosphères envolées ou de personnages, véritables piliers des lieux, engloutis... On prend plaisir à ces infimes détails géographiques avec ce narrateur toujours à l'affût de traces, de résidus du passé. L'espace-temps modianesque explose une nouvelle fois et a de quoi rendre jaloux n'importe quel auteur de science-fiction. L'intrigue en elle-même (la mort d'un homme atteint de deux balles... une intrigue policière sans aucun enjeu - c'est Modiano, hein, po Manchette), les relations tissées (on doit se contenter d'un simple compagnonnage un peu fadasse (et sans érotisme) - sans être méchant - entre le narrateur et son héroïne... qui semblait pourtant mener une vie relativement sulfureuse - mais tout cela restera entre les lignes, ou les paragraphes, ou les chapitres... les blancs modianesques plus forts que les flous) sont un ptit peu faiblardes et ne nous reste de la voix chamanique modianesque souvent que la magie de certains noms propres (villages, titres d'ouvrage ou pseudo d'individus). Une variation du maître qui personnellement ne m'aura que peu marqué et légèrement rasséréné - du déjà lu qui semble appartenir à un autre temps (...) après le coup d'éclat Un Pedigree.